Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/264

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pourrai-je faire un rapport ? Ce serait enfreindre l’ordre du roi, ce qui, sans contredit, n’est pas permis. Déclare-le donc et n’attends pas les tortures pour le faire.

« Je restai longtemps dans un silence complet, et, comme mon cousin Jacques me pressait de répondre, je dis d’abord : — C’est une chose qui date de loin et il m’est difficile de m’en bien souvenir. — Puis j’ajoutai : dans l’hiver de 1784, j’allai par hazard chez Kim Pem-ou, de la classe moyenne, et y trouvant ces livres, je les empruntai, les copiai et les renvoyai de suite à leur propriétaire. Quand ensuite j’appris la prohibition du roi, je brûlai ce qui était sur papier de Chine et lavai ce qui se trouvait sur papier coréen. Il y a déjà plusieurs années que les deux traités des dix commandements et des sept vertus capitales ne «e trouvent plus chez moi. — L’ordre du roi porte que, s’il y a des livres, on doit les brûler. Si donc tu en as quelque autre, il est juste de le livrer de suite. — Le mandarin de mon district a visité toute ma maison, et n’y a pas trouvé une seule page. — Vous êtes coupables d’un péché que le ciel et la terre ne pourraient contenir, et l’ordre du roi portant qu’il faut examiner les choses à fond, voici des questions auxquelles vous devez répondre franchement, article par article. — Alors le gouverneur fait déposer devant nous une liste de questions dont voici à peu près le contenu. « Vous autres qui ne suivez pas la vraie voie et ajoutez follement foi à des paroles trompeuses, vous infatuez le monde, et débauchez le peuple, vous détruisez et faussez les relations naturelles de l’homme. Déclarez donc quels livres vous étudiez, et ceux avec qui vous le faites. Malgré une sévère défense, vous osez vous livrer à une grande licence d’idées, et vous joignez plus follement encore la pratique à la théorie. C’est une grande impiété. Mais cette faute serait relativement légère. Il est dit dans la dépêche du roi que vous ne faites plus les sacrifices. Ce n’est pas tout : vous brûlez les tablettes et empêchez d’entrer chez vous les visiteurs qui viennent payer leurs devoirs aux défunts. Enfin vous ne rendez pas même à vos parents les honneurs de la sépulture, et cela sans rougir et sans vouloir revenir à de meilleurs sentiments. Cette conduite est digne de la brute. Livrez de suite vos livres, et déclarez tous vos coreligionnaires. De plus, on dit qu’il y a parmi vous des évêques qui vous dirigent en secret, et répandent cette religion ; vous ne pouvez ne pas les connaître, déclarez donc tout, sans rien déguiser. »

« Après avoir lu ce réquisitoire jusqu’au bout, je répondis : — J’ai, il est vrai, omis les sacrifices, j’ai aussi détruit les tablettes,