Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/269

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noblesse, je ne veux pas me rendre coupable envers Dieu. J’ai donc enterré mes tablettes sous le sol de ma maison. Le bruit s’est répandu que je les avais brûlées, mais la religion ne nous faisant point, à ce sujet, un précepte formel, j’ignore quelles lèvres ont formulé l’accusation, et quelles oreilles l’ont entendue.

« Quant à l’offrande de vin et de nourriture aux morts ou à leurs tablettes, c’est aussi une chose défendue par la religion du Maître du ciel, et ceux qui la suivent doivent se conformer à ses lois. En effet, lorsque le Créateur a disposé les différentes espèces de créatures, il a voulu que les créatures matérielles usent de choses matérielles, et les créatures immatérielles de choses immatérielles. C’est pourquoi la vertu est la nourriture de l’âme, comme les aliments matériels sont celle du corps. Eût-on d’excellent vin et des mets délicieux, on ne pourrait en nourrir l’âme, par la raison qu’un être immatériel ne peut être nourri de choses matérielles. Les anciens ont dit : « On doit servir les morts de même que quand ils étaient vivants, » et vous admettez que c’est là une maxime fondamentale des livres de ce pays. Or, puisque, pendant la vie, leur âme n’a jamais pu se nourrir de vin et d’autres aliments, à plus forte raison ne le peut-elle pas après la mort. Quelque pieux que soit un homme envers ses parents, il ne leur offre pas de nourriture pendant leur sommeil, parce que le sommeil n’est pas un temps où l’on puisse manger. De même et à plus forte raison, quand ils sont endormis du long sommeil de la mort, leur offrir des aliments serait une chose vaine et une pratique fausse. Or, comment un enfant pourrait-il se résoudre à honorer ses parents défunts par des pratiques vaines et fausses ? Ainsi, mettant de côté l’emploi des aliments qui n’ont «nul parfum véritable pour les parents, s’appliquer de toutes ses forces à la pratique de la vertu pour en faire parvenir les effets jusqu’à eux, et en même temps, nourrir notre âme, voilà la vraie voie, la droite doctrine. Et, je le répète, dussé-je en la professant déroger à ma noblesse, je ne veux pas me rendre coupable envers Dieu. De plus, considérez que le peuple qui n’érige pas les tablettes, n’est pas pour cela en opposition avec le gouvernement, que les nobles qui, à cause de leur pauvreté, ne font pas tous les sacrifices selon les règles, ne sont pas repris d’une manière sévère. Il me semble donc, dans mon humble pensée, que ne pas ériger de tablettes et ne pas offrir les sacrifices aux défunts, tout en étant chez moi la fidèle observation de la religion du Maître du ciel, n’est nullement une violation des lois du royaume.