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velir, et leurs amis qui étaient venus à leurs funérailles, furent très-étonnés de voir les deux corps sans aucune marque de corruption, vermeils et flexibles comme s’ils eussent été décapités le jour même. Leur étonnement redoubla lorsqu’ils virent le billot sur lequel ils avaient eu la tête tranchée, et la planche où la sentence de mort était écrite, arrosés d’un sang liquide et aussi frais que s’il eût été versé un moment auparavant. Ces circonstances parurent d’autant plus surprenantes qu’au mois de décembre, la rigueur excessive du froid, disent les Coréens, faisait geler tous les liquides, dans les vases qui les renfermaient. Les païens, pleins d’admiration, se récriaient contre l’injustice des juges et proclamaient l’innocence des deux confesseurs. Quelques-uns même, touchés du prodige qu’ils avaient examiné avec soin, se convertirent. Les yeux baignés de larmes de joie, les chrétiens bénissaient le Seigneur. Ils trempèrent un grand nombre de mouchoirs dans le sang des martyrs, et en envoyèrent à l’évêque de Péking quelques fragments, avec l’histoire circonstanciée de ce qui s’était passé. Les néophytes prétendent qu’un homme abandonné des médecins et près de mourir fut guéri, en un instant, après avoir bu de l’eau dans laquelle on avait trempé la planche arrosée de sang. Ils rapportent aussi que plusieurs moribonds, à qui l’on fit toucher un mouchoir teint de ce même sang, furent guéris sur l’heure[1].

L’exemple de Paul et de Jacques eut une influence prodigieuse sur les premiers chrétiens de Corée. Leurs noms sont demeurés célèbres, et Paul surtout est, encore aujourd’hui, en grande vénération parmi les fidèles. Il laissait une fille âgée de treize ans, qui se retira momentanément dans la maison de Thomas Kim, prétorien, ancien disciple de son père. Le jour, elle se cachait dans le jardin, et la nuit elle venait dans la maison. Plus tard elle put être mariée, selon sa condition, dans la famille des Song, à Sout-pang-i, district de Kong-tsiou. Sa mère la suivit chez son mari, et continua, dit-on, à pratiquer la religion. Depuis cette époque les chrétiens n’ont plus eu de rapport avec cette famille.

Quelques jours après le supplice de Paul Ioun et de Jacques Kouen, le gouvernement coréen fit afficher leur sentence et la nouvelle de leur mort, dans toutes les villes et tous les villages, afin d’effrayer le peuple et d’empêcher de nouvelles conversions. Mais Dieu se plaît à déjouer les plans de ses ennemis. Cette

  1. Nouvelles lettres édifiantes. — Paris, 1820. — Tome V, p. 274.