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La sentence fut exécutée cette nuit-là même dans la prison, et les corps des martyrs furent jetés dans le fleuve. C’était le 12 de la cinquième lune (28 juin 1795). Sabas Tsi était âgé de vingt-neuf ans, Paul Ioun avait trente-six ans, et Mathias T’soi trente et un ans.

Telle fut la récompense magnifique que Dieu donna à ces trois généreux chrétiens qui avaient, au péril de leur vie, introduit un prêtre en Corée, et qui, par leur piété, méritèrent ce bel éloge de l’évêque de Péking. « L’Église de Péking et moi, écrivait-il en 1797, avons été témoins de la piété et de la dévotion de Paul Ioun dans les deux voyages qu’il fit à Péking en 1790. Il y reçut les sacrements de Confirmation, de Pénitence et d’Eucharistie, avec une ferveur si frappante, que plusieurs de nos chrétiens ne purent retenir leurs larmes, dans la joie et l’admiration qu’ils éprouvaient de trouver chez ce néophyte, la modestie, les paroles, les vertus exemplaires d’un vieux chrétien consommé dans la pratique de l’Évangile. En 1793, nous fûmes aussi témoins de la piété de Sabas Tsi, pendant les quarante jours qu’il passa à Péking. Les fidèles de cette ville furent édifiés de sa dévotion, de sa grande ferveur, et de l’effusion de larmes avec lesquelles il reçut les sacrements de Confirmation, de Pénitence et d’Eucharistie. Quant à Mathias T’soi, nous n’avons pas été témoins oculaires de sa foi, parce qu’il n’est pas venu à Péking, mais j’ai appris par le missionnaire de Corée, que ce chrétien a été un des premiers catéchistes, et qu’il s’est distingué par sa ferveur, sa piété et son zèle à étendre la gloire de Dieu[1]. »

Cinq autres chrétiens avaient été arrêtés avec nos trois martyrs, et accusés comme eux de s’être faits les introducteurs du prêtre étranger dans la Corée ; mais ils soutinrent, avec raison, qu’ils n’avaient pris aucune part à son entrée dans le royaume. On voulut les faire apostasier. Ils s’y refusèrent, et confessèrent leur foi au milieu des plus cruels supplices. Après quinze jours de tortures, ils furent mis en liberté, et s’en allèrent joyeux, louant et bénissant Dieu. Quant au dénonciateur Han Ieng-ik-i, il ne recueillit aucun profit de sa trahison. À l’automne de cette même année, il mourut misérablement, loin de sa famille et de sa maison. On dit qu’à l’heure de sa mort, il ne cessait de gémir et de verser des larmes. Puisse-t-il, par un sincère repentir, avoir obtenu de Dieu, le pardon de son crime !

  1. Nouvelles Lettres édif. T. 5.