Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/309

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s’élevait une grande tente, et, sous cette tente, le tribunal du mandarin, environné de plusieurs sièges, où prirent place les apostats revêtus de beaux habits. Le festin commença, pendant que les deux prisonniers se tenaient au lieu du supplice. Le mandarin leur dit : « Le vrai paradis c’est d’avoir ici-bas une bonne nourriture, une belle musique et tout ce que l’on souhaite. Vous qui voulez monter au ciel, comment ferez-vous pour en escalader les trente-trois étages ? Abjurez et vous serez traités comme ceux-ci ; sinon, je vous déférerai au grand tribunal, et vous serez mis à mort. — J’ai déjà répondu, dit Paul, mais j’ajouterai encore une parole : Dieu est le seul maître de tout, de la vie et de la mort ; comment pourrais-je le renier ? » — Mais son compagnon, moins courageux, n’osa résister au juge, et eut la faiblesse de faire un signe d’apostasie. Encouragé par ce succès, le mandarin dit alors : « Allons ! toi aussi, injurie le maître du ciel. — « Quand le roi porte une loi, reprit Paul, on la transmet au peuple, et vous, loin de la violer, vous veillez à son exécution. Comment donc, aujourd’hui, osez-vous ordonner au peuple de maudire son véritable père ? Chez nous, on n’a pas coutume de maudire ses parents. » — Le mandarin, en colère, ordonna de brûler les livres saisis chez Paul, et de faire circuler le crucifix dans le marché, en disant : « Cet homme fait son Dieu de celui que vous voyez ; n’est-ce pas affreux ? » — Il était alors midi. Tout à coup, le temps devient sombre, le tonnerre gronde, le vent, soufflant avec violence, enlève la tente et renverse presque le mandarin. Les apostats qui se réjouissaient et faisaient bonne chère, sont effrayés et prennent la fuite. Le peuple s’émeut, et dit qu’on ferait bien de relâcher le chrétien. Mais le mandarin, furieux de ce contre-temps, fait frapper de nouveau le confesseur. Ce ne fut que vers le soir qu’on le reconduisit en prison, si épuisé qu’il tomba par terre, et qu’on fut obligé de le porter ; ce qui n’empêcha pas de le charger d’une lourde cangue. Malgré tant de tortures, il était calme et ne cessait de prier.

À l’automne, il subit un nouvel interrogatoire, et fut de nouveau frappé de la planche. Ceux qui le voyaient, disaient : « Il mourra sous les coups. — Mourir sous les verges ou sous la planche, disait Paul, tout vient de l’ordre de Dieu : qu’il soit béni de tout ! » Et il demandait sans cesse la grâce du martyre.

Il souffrait souvent de la faim, et ses vêtements s’étant usés, le froid augmentait encore ses douleurs. Sa femme ramassa un peu d’argent, et lui apporta du vin et de la viande ; il refusa