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porter le martyre de François Ni Po-hien-i et celui de Martin In Eun-min-i, morts sous les coups, le 15 de la douzième lune.

François descendait d’une famille honnête et riche de Hoang-ma-sil, au district de Tek-san. Dès l’enfance, son caractère ferme et quelque peu opiniâtre le faisait remarquer entre ses compagnons. La mort de son père, qu’il perdit jeune encore, en le laissant maître de ses volontés, fit qu’il lâcha la bride à toutes ses passions, et devint si violent que personne ne pouvait le contenir. Mais à l’âge de vingt-quatre ans, instruit de la religion par Thomas Hoang, il se convertit et arriva en très-peu de temps à tellement se réformer et à si bien dompter son tempérament naturel, que sa conduite calme et réglée fit bientôt l’édification de tous. Quoiqu’il n’eût lui-même aucun désir de se marier, il le fit néanmoins pour obéir à sa mère.

De jour en jour sa ferveur augmentait, et il s’appliquait avec zèle aux exercices de la pénitence et de la mortification. On dit même qu’il quitta quelque temps son pays pour aller dans les montagnes ; et là, vivant de légumes, il répétait : « Pour servir Dieu et sauver son âme, il faudrait ou pratiquer la continence, ou donner sa vie par le martyre ; c’est le seul moyen de devenir un véritable enfant de Dieu. »

Quand on commença à persécuter les chrétiens, François, loin d’en concevoir aucune crainte, ne cessait d’exhorter sa famille, et les chrétiens de son village. Il discourait chaque jour sur la passion de Notre-Seigneur, et les engageait à ne pas laisser échapper une aussi belle occasion de confesser la foi, et de gagner le ciel. Prévoyant qu’il ne serait pas longtemps en paix, il fit un jour préparer une grande quantité de vin ; « c’est, disait-il, pour faire une dernière fête, et régaler tout le village, mais il faut le faire promptement. » Deux jours après, les satellites se présentèrent en effet, et lui demandèrent : « Es-tu chrétien ? — Non-seulement je le suis, répondit-il, mais, depuis deux jours, j’attends que vous arriviez pour méprendre. » Puis il traita les satellites libéralement, après quoi, il fut arrêté et conduit au mandarin. « Es-tu chrétien, lui demanda celui-ci, et de quel pays es-tu ? — Je suis chrétien, et originaire de Tek-san. — Quel a été ton précepteur, quels sont tes complices, et quels livres as-tu en ta possession ? — Mon maître et mes coreligionnaires sont dans mon pays. Quant aux livres, j’en ai bien quelques-uns, mais ils traitent tous de choses très-importantes, et je ne puis vous les remettre. — Quelle est donc cette chose si importante que tu ne puisses me montrer ces livres ? —