Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/327

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Pendant le supplice, Martin répéta plusieurs fois : « Oh ! oui, c’est de bon cœur que je donne ma vie pour Dieu ! » À la fin, un des bourreaux, saisissant une énorme pierre, le frappa plusieurs fois sur la poitrine. La mâchoire inférieure se détacha, les os de la poitrine furent broyés, et le saint confesseur expira dans ce supplice, à l’âge de soixante-trois ans.


Cependant, malgré ces exécutions et d’autres encore qui ensanglantèrent diverses chrétientés des provinces, on peut dire qu’il n’y eut pas en Corée, pendant le règne de Tieng-tsong tai-oang, de persécution officielle et générale. Comme nous l’avons déjà remarqué, ce prince, d’un caractère assez modéré, ne voulait point verser le sang. Il avait en grande estime quelques chrétiens illustres du parti Nam-in, et sachant que beaucoup d’hommes éminents embrassaient la nouvelle religion, il voulait examiner les faits par lui-même, et avec calme. Plusieurs fois, il présida en personne aux interrogatoires des chrétiens. Le martyr Pierre Sin, cité plus haut, nous a conservé, dans ses lettres, un fragment curieux d’un de ces interrogatoires, probablement celui que Thomas T’soi Pil-kong-i eut à subir, à la troisième lune de l’année kei-mi (1799). En voici la traduction littérale.

Le roi. — Moi aussi, j’ai lu les livres de religion, mais comment te semble cette doctrine, comparée à celle de Fo ? — Le chrétien. — La religion de Jésus-Christ ne doit pas être comparée à celle de Fo. Le ciel, la terre, les hommes, tout ce qui est, n’existe que par un bienfait de Dieu, et ne se conserve que par un autre bienfait, c’est-à-dire par l’Incarnation et la Rédemption de ce même Dieu très-haut et très-grand, père et gouverneur de l’univers. Comment oser mettre en comparaison avec cette religion une doctrine dénuée de sens et de principes. Ici est la véritable voie, la véritable science. — Mais comment, dit le roi, celui que tu appelles très-bon et très-grand maître de toutes choses, a-t-il pu venir dans ce monde, s’y incarner, et qui plus est, le sauver par la mort infâme que les méchants lui ont fait subir ? Cela est bien difficile à croire. — Nous lisons dans l’histoire de la Chine, reprit le chrétien, que le roi Seng-t’ang voyant tout son peuple réduit à la mort par une sécheresse de sept années, ne put y rester insensible. Il se coupa les ongles, se rasa les cheveux, se revêtit de paille, et se retira dans le désert de Sang-lin. Là il se mit à pleurer et à faire pénitence, puis chantant une prière qu’il avait composée, s’offrit lui-même en sacrifice et en victime. Sa prière n’était pas achevée, qu’une pluie abondante tomba sur un espace