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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/360

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l’un sur la terre, à cause de la manière trop honorable dont on le traitait, vu sa condition, et l’autre dans la vie future.

De Kieng-siang, il passa plus tard à la capitale, et fut reçu dans la maison d’Augustin Tieng, où il vécut sur le pied ordinaire des domestiques, rendant au maître de la maison les services habituels. Sa ferveur, loin de diminuer, augmentait de jour en jour, et excitait l’admiration de tous. Au printemps de cette année, quelques jours avant l’arrestation d’Augustin, il était sorti pour acheter du bois, selon son office, quand, rencontré par les satellites, il fut pris et mené en prison. Il ne se laissa pas intimider et, d’un ton jovial, dit à ceux qui le conduisaient : « Vous me transportez de la préfecture de Namon-an à celle d’Ok-t’sien, qui est un lieu de délices, je vous suis très-reconnaissant de cet insigne bienfait. » Dans la langue coréenne, namon signifie bois, et ok veut dire prison. En nommant ces deux préfectures, Alexis faisait allusion à ce qu’au lieu d’acheter du bois, comme son maître le lui avait commandé, il se trouvait jeté en prison.

Dans les divers interrogatoires qu’il eut à subir, il répondit toujours noblement et avec une sainte liberté à tout ce que les juges lui opposaient, et ceux-ci, irrités de ce qu’un homme d’aussi basse condition ne les craignait pas, et refusait la vie qu’on lui offrait au prix de l’apostasie, lui firent endurer d’affreuses tortures. Alexis les supporta non-seulement avec fermeté, mais avec une joie toute céleste. « Dussé-je souffrir dix mille fois plus, criait-il, je ne renierai pas Jésus-Christ, faites de moi ce que vous voudrez. » Après l’avoir fait battre d’une manière si cruelle, qu’une de ses jambes en resta brisée et broyée, on le condamna à mort et on l’envoya pour être exécuté à Hong-tsiou, sa ville natale. Porté sur une litière en paille, parce qu’il ne pouvait plus marcher, il conserva, dans la route, malgré d’horribles souffrances, toute sa gaieté naturelle. Sa femme et son fils le suivaient pour le servir jusqu’au dernier moment, mais de peur qu’ils ne fussent pour lui le sujet de quelque tentation, il ne voulut jamais les laisser approcher. Le jour même de son arrivée à Hong-tsiou il fut décapité. Il avait alors quarante-cinq ans.

Les rares vertus d’Alexis, qui formaient un si touchant contraste avec la bassesse de son extraction, ont rendu son nom populaire parmi les chrétiens, et ils le citent encore aujourd’hui avec respect et admiration, comme un de leurs plus illustres confesseurs. Mais les païens de ce pays, et surtout les nobles, rient d’un air méprisant quand ils entendent dire qu’un homme de cette classe est l’honneur de la religion. Gentibus autem stultitiam ;