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Le P. Tsiou alla droit à la prison du Keum-pou. Les valets du tribunal lui ayant demandé qui il était et ce qu’il voulait : « Moi aussi, leur dit-il, je pratique la religion des chrétiens. J’ai entendu dire qu’elle est sévèrement prohibée par le gouvernement, et que chaque jour on fait périr des innocents en grand nombre ; comme ma vie serait désormais inutile, je viens vous demander la mort. C’est moi qui suis ce prêtre que vous cherchez en vain partout. Il paraît que dans votre royaume il n’y a pas un seul homme habile, puisque jusqu’à présent on n’a pu parvenir à me découvrir. » Il fut aussitôt saisi et mis en prison. Le président du tribunal lui demanda pourquoi il était venu en Corée, il répondit : « Je n’ai eu qu’un seul motif en y entrant, celui de prêcher la vraie religion, et de sauver par là les âmes de ce pauvre peuple. »

Pendant son procès, il eut une contenance digne de sa belle vie, répondant à tout avec gravité et prudence, sans laisser échapper un seul mot qui pût compromettre personne. Il composa même par écrit une longue et éloquente apologie de la religion chrétienne, qui eût sans doute fait impression sur ses juges, s’ils n’avaient été aveuglés par la passion et le parti pris.

Alexandre Hoang, dans ses mémoires, parlant de l’emprisonnement du P. Tsiou, s’exprime ainsi : « On lui mit seulement des entraves aux pieds, et on le soumit aux interrogatoires sans le torturer aucunement. On dit qu’il y a eu entre ses juges et lui beaucoup de dialogues mis par écrit ; je n’ai pu les voir, seulement j’ai appris que les païens disaient : Celui qui s’est livré se dit Européen. Quand on a fait d’abord mourir six chrétiens (ceux exécutés le 26 de la deuxième lune), on les accusait du crime de rébellion ; mais il paraît que dans sa prison, le prêtre a clairement fait voir que les chrétiens ne sont pas des rebelles. On rapporte encore que l’Européen n’a pas voulu mourir de suite, mais qu’il a demandé la permission de dire d’abord tout ce qu’il avait à dire, après quoi seulement on le ferait mourir. » Tous ces bruits semblent ne pas être complètement faux.

Les révélations de l’esclave de Colombe avaient fait connaître les rapports du prêtre avec le palais. Aussi, dès le lendemain ou surlendemain du jour où le P. Tsiou se fut livré (29 ou 30 avril), sans procès, sans interrogatoire, sans qu’aucune forme légale eût été observée, la régente prononça contre les princesses qui lui avaient donné asile, une sentence de mort dont voici les termes exprès :

« Pour l’affaire de Song, épouse du coupable In, emprisonné