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perdait son meilleur sujet ; et, en effet, le P. Tsiou joignait à de grands talents, et à une connaissance approfondie des caractères chinois, une science de la religion, et une vertu peu communes. Il fit, en tout et toujours, honneur à la religion dans ce pays. Son extérieur digne, sa contenance noble et sa grande bienveillance, lui avaient gagné tous les cœurs. Condamné d’abord pendant plusieurs années, à une retraite absolue, et à la fin, obligé de cacher toutes ses démarches avec les plus grandes précautions, il eut occasion d’acquérir de nombreux mérites devant Dieu, et, par sa fidélité, d’obtenir la grâce martyre.

La tradition des chrétiens assure qu’il prédit presque au moment de sa mort, que, dans trente ans, des prêtres rentreraient en Corée. Ce ne fut en effet qu’après trente-deux ans d’attente que les chrétiens reçurent de nouveaux missionnaires.

Il reste un ouvrage composé en chinois, et traduit en coréen, que l’on a toujours attribué au P. Tsiou, et qui paraît véritablement avoir été composé par lui. C’est un Guide pour le Carême et le Temps de Pâques, dans lequel sont expliquées d’une manière claire et très-précise, les dispositions qu’il faut apporter aux sacrements de pénitence et d’Eucharistie : ce livre rend encore aujourd’hui service aux chrétiens de Corée.

Les habits, le chapeau du prêtre, et deux images qui lui avaient appartenu furent longtemps conservés avec un soin jaloux par les néophytes. Pierre Sin dit, dans ses mémoires, que plusieurs fois ces reliques échappèrent à l’incendie, d’une manière qui tient du prodige ; aujourd’hui, à la suite des dernières persécutions, on ne sait plus ce qu’elles sont devenues.

Pour s’éviter des difficultés avec la Chine, le gouvernement coréen avait, au moment de l’exécution du P. Tsiou, fait répandre le bruit qu’il était originaire de Tsiei-tsiou (île de Quelpaert). Plus tard, comme nous le verrons, dans la lettre écrite à l’empereur, au nom du roi, on avoua qu’il était chinois, en protestant que son origine n’avait été connue qu’après sa mort, par les déclarations subséquentes de ses complices. On eut soin d’accompagner cet aveu de l’envoi d’une forte somme d’argent destinée à calmer la colère de l’empereur, et l’affaire n’eut pas de suites.