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moyenne ; son père et son oncle avaient de petits emplois. La troisième de cinq sœurs, elle n’était âgée que de sept ans, quand on vint faire choix de filles, pour le palais du roi. Son père tenait cachées les deux aînées, et ne s’inquiétait pas de Bibiane, que son jeune âge semblait devoir mettre à l’abri des perquisitions. Mais les émissaires du palais l’ayant aperçue, furent frappés de son intelligence précoce, et de sa beauté peu commune, et l’emmenèrent avec eux. Elle fut donc élevée dans le palais. À l’âge de quinze ans, on lui releva les cheveux[1], et comme elle écrivait admirablement bien, on lui confia la charge des écritures. Son père était païen, mais sa mère, chrétienne fervente, se désolait de voir sa fille au palais, presque dans l’impossibilité de faire son salut. Quand Bibiane venait, de temps en temps, à la maison paternelle, sa mère et ses sœurs aînées l’exhortaient vivement à pratiquer la religion. Elle répondait : « Pratiquez-la bien, vous qui le pouvez. Pour moi, qui suis captive au palais et impliquée dans mille superstitions, cela m’est trop difficile à présent. Je la pratiquerai quand je serai vieille, et qu’il y aura moyen de sortir de là. »

L’usage des filles du palais est de se réunir le soir, pour passer le temps à rire, causer, fumer et prendre des rafraîchissements. Un soir, au moment de se retirer, Bibiane, frappée tout à coup comme d’un coup de bâton à la tête, se sent le cerveau bouleversé, perd connaissance et tombe brusquement. Aussitôt on la relève et on lui prodigue tous les soins possibles, mais le mal s’aggravant, on dut la renvoyer dans sa famille. Sa mère, voyant sa position dangereuse, l’exhorta plus fortement que jamais à se convertir, et comme déjà Bibiane en avait le désir, et que sa position seule l’avait retenue jusque-là, elle y consentit facilement et fut ondoyée. Dès le lendemain, elle se trouva complètement guérie, et se mit aussitôt à apprendre assidûment les prières et la doctrine chrétienne.

Cette guérison subite était déjà une grâce bien extraordinaire ; elle devint bientôt un miracle manifeste. Tous les jours ou tous les deux jours, on lui envoyait du palais médecins et médecines, et souvent même plusieurs filles restaient pour la soigner. Or, depuis son baptême, quoiqu’elle fût entièrement débarrassée de

  1. Les jeunes gens des deux sexes laissent pendre leurs cheveux, et on ne les relève qu’à l’époque du mariage. Quoique les filles du palais soient légalement condamnées à un célibat perpétuel, on leur fait la même cérémonie, pour signifier qu’elles sortent de l’enfance et doivent désormais s’occuper de choses sérieuses.