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générosité à leur égard, et leur fit prendre des rafraîchissements, ce dont ils furent tous satisfaits. Puis, faisant ses adieux à sa mère, et la consolant de son mieux, elle partit et fut conduite au mandarin. Elle avait alors vingt-six ans.

Le mandarin, voyant sa jeunesse, lui dit : « Comment une jeune personne comme toi, si bien élevée au palais, peut-elle suivre une mauvaise religion, prohibée par le roi ? Veux-tu donc mourir dans les supplices ? — Je désire de tout mon cœur, répondit avec empressement Bibiane, donner ma vie pour le Dieu que je sers. » Après avoir vainement essayé tous les moyens de séduction qu’il put imaginer, le mandarin, furieux de rencontrer chez une faible femme une résistance aussi opiniâtre, la fit mettre à la torture. On la frappa violemment sur les jambes ; le sang en jaillit, et, s’il faut en croire une tradition respectable, se convertit aussitôt en fleurs, qui s’élevaient dans les airs. À la vue de ce prodige, le mandarin fut frappé de stupeur, et il défendit, sous les peines les plus sévères, à tous ceux qui étaient présents, de jamais ouvrir la bouche sur ce qu’ils venaient de voir.

Bibiane eut à supporter beaucoup d’autres supplices, mais rien ne put ébranler sa constance, et elle entendit enfin prononcer la sentence de mort, qu’elle avait si longtemps désirée. En se rendant au lieu du supplice, elle dit aux soldats qui repoussaient les curieux : « Laissez-les regarder tout a leur aise, on va bien voir tuer les animaux ; pourquoi ne regarderait-on pas tuer les hommes ? » Une chrétienne, dont le père avait été témoin oculaire de l’exécution de Bibiane, a souvent répété que lorsqu’on lui trancha la tête, il coula de sa blessure du sang blanc comme du lait, que les bourreaux regardèrent avec admiration. Dieu daignait ainsi renouveler pour la vierge et martyre coréenne, le prodige qu’il fit autrefois à Rome, pour sainte Martine, vierge et martyre.

Quatre confesseurs de la foi accompagnèrent à la mort les cinq héroïnes dont nous venons de parler. C’étaient : T’soi In-t’siel-i, frère de Mathias T’soi In-kir-i, martyrisé en 1793, pour avoir reçu chez lui le prêtre, à son arrivée en Corée ; Ni Hien-i, neveu de Ni Hei-ieng-i, l’un des compagnons de prison et de martyre de Josaphat Kim ; Hong Tsieng-ho, proche parent de Philippe Hong, beau-fils de Colombe Kang ; et enfin Mathieu Kim Hien-ou, le septième frère de Thomas Kim Pem-ou, qui, le premier, eut l’honneur de confesser la foi, en 1785.

On raconte que Mathieu Kim, au moment de son arrestation, vit apparaître une grande croix lumineuse, qui marchait devant lui et lui indiquait la route de la prison. Notons, en passant, que