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CHAPITRE III.

Procès de la famille Niou. — Martyre de Jean Niou et de sa femme Luthgarde Ni. — Lettres de Luthgarde.


Depuis le martyre de Paul Ioun, en 1791, jusqu’à la grande persécution de 1801, la province de Tsien-la avait joui d’une paix profonde, et les chrétiens y étaient devenus très-nombreux. Celui qui avait le plus contribué à cette propagation rapide de l’Évangile était Augustin Niou Hang-kem-i ; aussi fut-il un des premiers enveloppés dans la proscription. Dès la troisième lune, il avait été saisi avec plusieurs autres membres de sa famille, et conduit dans les prisons de Tsien-tsiou, capitale de cette province, dont Kim Tal-sioun-i était alors gouverneur. Nous ignorons les détails des interrogatoires qu’ils eurent à subir, mais il paraît malheureusement assez probable qu’Augustin eut la faiblesse d’apostasier.

Un de ses frères naturels, Niou Koang-kem-i, porta plus loin la lâcheté. Non-seulement il céda aux tortures, mais il se montra prêt à faire toutes les dénonciations que les juges exigèrent de lui, et à révéler plus qu’on ne lui demandait. Le gouverneur ne manqua pas de profiter d’une si bonne occasion, et d’exploiter la frayeur de cet infortuné. Il lui remit sous les yeux l’état désespéré de toute sa famille, lui faisant en même temps espérer qu’une grande franchise à déclarer tout ce qu’il savait serait le moyen non-seulement d’éviter la mort, mais de s’attirer les bonnes grâces de la cour et d’obtenir les plus grandes dignités. Koang-kem-i, aveuglé par la crainte et par l’ambition, donna facilement dans le piège. Il commença par brûler tous ses livres, et fit une longue liste des chrétiens de sa connaissance. On s’en servit immédiatement. En peu de jours, les districts de Tsien-tsiou, Keum-san, Ko-san, Ieng-koang, Mou-tsang, Kim-tiei et autres furent sillonnés par les bandes des satellites, et plus de 200 personnes, dit un mémoire du temps, furent jetées dans les prisons et soumises à d’affreuses tortures. Il est triste de constater que la plupart d’entre eux n’eurent pas le courage de rester fidèles à leur Dieu. Plusieurs même firent des aveux très-compromettants sur les allées et venues des courriers que l’on avait, à diverses reprises,