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était heureuse, cette union de deux nobles cœurs dans les liens d’un chaste amour ! quelle était belle aux yeux des anges ! Mais, parce que Jean et Luthgarde étaient agréables à Dieu, il était nécessaire que la souffrance vînt les éprouver et les perfectionner.

Dès le printemps de 1801, Jean fut saisi avec son père Augustin et quelques autres personnes de la famille. On peut imaginer quel terrible coup ce fut pour le cœur de Luthgarde. Elle apprit bientôt que son mari était resté prisonnier à la ville de Tsien-tsiou, quoique les autres eussent été transférés à la capitale. Pendant tout l’été, le frère cadet de Jean, nommé aussi Jean, allait continuellement à la ville porter des vivres à son aîné, mais il ne put réussir à lui faire passer des habits. Le confesseur dut donc, au milieu des grandes chaleurs, garder les lourds vêtements d’hiver qu’il portait lors de son arrestation, et bientôt leur saleté, l’odeur qui s’en exhalait et la vermine qui s’y engendra, devinrent un véritable supplice pour un homme élevé dans le luxe et la délicatesse. Nous ignorons quelles tortures il eut à supporter. On sait seulement que pendant tout le temps de son séjour en prison, il fut jour et nuit chargé de la cangue, et qu’elle ne lui fut enlevée qu’au moment du supplice. Du reste, Jean ne se laissa pas ébranler et sut conserver sa foi intacte jusqu’à la fin.

Vers le 15 de la neuvième lune, probablement un jour ou deux avant l’exécution d’Augustin Niou et de ses compagnons. Luthgarde fut arrêtée à son tour, avec tout le reste de la famille. Peu de temps après, on relâcha trois des femmes, savoir : la mère d’Augustin, que son grand âge sans doute fit épargner ; sa fille, nouvellement mariée, qui n’était plus censée faire partie de la famille, et une de ses deux belles-sœurs, peut-être la veuve mère de Mathieu Niou. Mais la maison d’Augustin étant confisquée, elles durent la quitter et furent déposées toutes les trois, sans aucune ressource, dans une misérable cabane, près de là.

À peine arrivée dans la prison, Luthgarde songea à consoler sa mère, que la nouvelle de son arrestation venait de plonger dans la douleur. Elle lui écrivit, et parvint à lui faire remettre une lettre dont voici la traduction aussi littérale que possible.


« À ma mère.

« Au milieu des émotions causées par les événements qui me sont survenus, je pense à vous, ma mère, et je désire vous faire connaître mes sentiments depuis notre séparation, il y a quatre ans. Il m’est impossible de tout rapporter, je vous adresse seule-