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les dans la vertu, lâchez de les établir, de conserver la famille et d’en faire de fervents chrétiens.

« Si mon frère vient à être martyr, et que moi aussi, par la grâce de Dieu, je fasse une bonne mort, j’ose espérer vous retrouver dans l’autre vie. Surtout, aidez ma mère à bien passer le reste de ses années et à obtenir la grâce d’une bonne mort, afin que mère et enfants, frères et sœurs, époux et épouses, nous puissions nous rencontrer dans la joie ; je vous le recommande mille fois. Je sais bien que vous n’agirez pas avec insouciance, mais en pensant à mes recommandations, vous le ferez deux fois mieux. Celui qui a ses parents ne doit pas se laisser aller à la tristesse et se livrera sa propre affliction, pensez-y bien. Je ne dis pas cela par méfiance de votre bonne volonté, mais parce que je sais que vous êtes trop portée à vous abandonner au chagrin.

« Pour Jean, ou l’appelle mon époux et moi je l’appelle mon fidèle ami : s’il a pu parvenir au royaume du ciel, je pense qu’il ne m’oubliera pas. Ici-bas, il avait tant d’égards et de bonté pour moi ; habitant au séjour du bonheur, mes cris, du milieu des craintes et de la douleur, ne pourront sortir de son oreille, et il n’oubliera pas nos promesses ; non, notre amitié ne saurait être rompue. Oh ! quand donc, sortant de cette prison, pourrai-je rencontrer notre grand Roi et Père commun, la reine du ciel, mes parents bien-aimés et mon fidèle ami Jean, pour jouir avec eux de la joie ! Mais n’étant que péché et n’ayant aucun mérite, j’ose bien espérer, il est vrai ; mais mes désirs pourront-ils être comblés de sitôt ?

« Ici, il y a bien des personnes plongées dans l’affliction, comment tout exprimer ? Ma belle-sœur élevée dans l’abondance et l’opulence, après avoir perdu ses parents, ses frères et tous ses biens, a été obligée encore de quitter la grande maison ; elle s’est retirée dans une cabane en ruines avec une de ses tantes, et sa grand’mère accablée de vieillesse. Mariée récemment, elle n’avait pas encore été conduite à la maison de son mari, et on dit que son beau-père ne veut plus la recevoir, à cause des malheurs de sa famille. Quelle déplorable position ! quels termes pourraient la dépeindre ! Mes beaux-frères, âgés de neuf, six et trois ans, sont tous trois envoyés séparément en exil dans les îles Heuk-san-to, Sin-tsi-to et Ke-tsiei ; comment supporter un si affreux spectacle ? Ma belle-mère, ma tante et Mathieu, le cousin germain de mon mari, n’ont avec moi qu’un cœur et une pensée, Ils ont été, eux aussi, mis à la question, et ont eu à subir de cruelles tortures. Ils sont emprisonnés ici ; j’espère que tous finiront bien.

« Ma sœur aînée, parmi cinq frères et sœurs que nous sommes,