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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/468

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d’apostasier et de dénoncer Jean Ni Ie-tsin-i, cousin de Pierre Sin, dont nous venons de parler. Jean Ni fut saisi sur cette dénonciation, mais Pierre, qui craignait le même sort, accourut à la capitale, et fit tant par ses démarches, par des présents donnés à propos, qu’il parvint à obtenir l’élargissement de Jean ; Dieu le permettant ainsi, sans doute, pour le plus grand bien de la chrétienté, à qui Jean devait bientôt rendre d’importants services. Avant de quitter la prison, Jean pardonna à Tsio Siouk-i, et réussit à lui inspirer un vif regret de sa faute, et à lui rendre le courage de mourir pour la foi. On raconte que lorsque Siouk-i se rendait au lieu du supplice, Jean Ni se trouva sur son chemin, et d’un coup d’œil lui montra le ciel ; le martyr répondit par signe qu’il le comprenait. Il fut décapité à Iang-keun.

Cette exécution isolée n’ayant pas eu d’autres suites, les chrétiens commencèrent peu à peu à sortir de leur stupeur, et à reprendre leurs pratiques religieuses. Pendant bien longtemps, ils n’avaient osé ni se réunir, ni même se parler, et c’est à peine s’ils se saluaient de loin en se rencontrant dans les rues ou dans les chemins. Ils se mirent alors à renouer des relations, à se chercher, à se compter, à se réunir ; c’était une fête pour eux quand ils rencontraient un frère qu’ils avaient cru mort ou en exil ; quand des parents, des connaissances qui s’étaient perdus de vue au milieu des désastres de la persécution, se retrouvaient de nouveau. On se consolait mutuellement ; on se racontait les scènes d’horreur ou d’édification dont on avait été témoin ; on s’aidait à retrouver quelques livres, quelques objets de religion ; on s’encourageait à reprendre les anciennes pratiques avec une ferveur nouvelle.

Tous savaient tirer de leur pauvreté quelques secours pour ceux de leurs frères qui étaient dans un dénûment absolu ; les veuves, les orphelins, étaient recueillis, et jamais, on peut le dire, la charité fraternelle ne fut plus grande que dans ces temps malheureux. Les vieillards qui en ont été témoins assurent qu’alors tous les biens étaient réellement mis en commun. Les plus instruits parmi les néophytes se faisaient un devoir d’enseigner les prières, les vérités fondamentales de la religion aux ignorants de leurs familles ou du voisinage. Enfin, quelques-uns plus dévoués, profitant de l’influence que leur science, leur caractère, ou leur réputation leur avaient acquise, obéissaient à l’impulsion de la grâce divine, en se dévouant entièrement à l’œuvre difficile de la réorganisation de l’Église coréenne.

Parmi ces derniers, nous devons citer d’abord Jean Kouen Kei-in-i, neveu du martyr Ambroise Kouen. Il s’était caché pendant