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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/509

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encore deux ou trois interrogatoires dont le détail nous est inconnu. Comme ils persistaient tous dans leur ferme résolution de mourir pour la foi, on dépêcha de nouveau au roi. Cette fois encore, la réponse se fit beaucoup attendre, et l’on voit dans les lettres d’André Kim que lui et tous ses compagnons attribuaient ce retard à leurs péchés, et tremblaient de ne pas obtenir la couronne du martyre.

Nous citons ici quelques-unes de ces lettres qui méritent d’être conservées. Elles sont une preuve de plus de l’action merveilleuse du Saint-Esprit sur les âmes des néophytes ; car il est impossible d’expliquer autrement que par l’efficacité de la grâce divine, comment des hommes païens hier, n’ayant reçu de sacrement que le baptême, vivant au milieu des idolâtres, sans prêtre, sans sacrifice, presque sans instruction religieuse, ont pu ainsi parler le langage surnaturel de la résignation chrétienne et de l’amour divin.

La première lettre d’André est adressée à son frère aîné.

« Je commence, en mettant de côté toutes les formules habituelles. Au moment je m’y attendais le moins, j’ai été arrêté par les satellites d’An-tong. Dans le premier interrogatoire, le juge criminel de cette ville voulut, à tout prix, me faire apostasier, mais. Dieu aidant, je tins ferme jusqu’à la fin, et je fus mis en prison, Après dix jours de détention, il me fit donner une volée de coups sur les jambes, et conduire en toute hâte à la prison criminelle de Tai-kou. Là, le mandarin essaya par mille moyens tentateurs d’obtenir ma soumission, mais n’ayant pu y réussir, il me fit administrer une nouvelle bastonnade sur les jambes, et dépêcha au gouverneur pour l’avertir de l’état des choses. La réponse fut qu’on devait me forcer à apostasier, et je reçus encore une volée de coups.

« Dans cette province, plus de cent personnes, hommes, femmes et enfants, avaient été arrêtées. De ce nombre, les uns moururent de faim, soit dans la prison de leur propre ville, soit le long des chemins en se rendant au chef-lieu de la province ; les autres eurent la faiblesse de faire leur soumission, et aujourd’hui nous restons treize seulement. Tout ceci est un ordre de la Providence et un bienfait dont nous devons la remercier ; mais le corps étant si faible, il est difficile de tout supporter d’un cœur joyeux ; chaque instant est plus triste que je ne saurais l’exprimer. Pour moi pauvre pécheur, n’ayant rien qui puisse me faire mériter la faveur du martyre, je compte uniquement sur le secours de tous les chrétiens ; priez et demandez sans cesse, et j’ai confiance que mes désirs pourront être comblés. »