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dénoncèrent comme le copiste des livres pris chez eux. Ce nouveau chef d’accusation devint pour lui la cause de bien des embarras et des souffrances. Traité dès lors comme chef des chrétiens, il fut mis un grand nombre de fois à la question, et eut à supporter des tortures si atroces, qu’il en mourut dans la prison, le 14 de la neuvième lune de cette même année, à l’âge de trente-trois ans.

Avec lui se trouvaient emprisonnés quatre autres confesseurs dont le martyre commença à cette époque, pour ne se terminer que treize ans plus tard. C’étaient Paul Tsieng, Job Ni, Pierre Kim et Pierre Ni, tous originaires de la fameuse plaine du Nai-po, berceau et centre de la chrétienté coréenne.

Paul Tsieng, dont le nom légal était Man-po, mais qui est plus connu sous son nom d’enfant : T’ai-pong, était du district de Tek-san, et cousin issu de germain de Pierre Tsieng, martyr en 1801. Ayant perdu de bonne heure son père et sa mère, il fut élevé chez un parent assez éloigné, et, comme il arrive fréquemment en pareilles circonstances, fut traité en véritable esclave. Son caractère, naturellement doux et complaisant, lui fit supporter avec patience et résignation ces premières épreuves. Plus tard, lorsqu’il put se suffire à lui-même, il quitta le Nai-po, et se retira au district de Liong-tan, dans la province de Tsien-la. Il y demeurait depuis trois ans, lorsque s’éleva la persécution de 1827. Paul avait toujours été un chrétien zélé, faisant tous ses efforts pour accomplir exactement ses devoirs, et si avide d’instruction que, quand il ouvrait un livre de religion, il ne pouvait le fermer qu’après l’avoir lu tout entier. Il sentait en son cœur un grand désir du martyre et, de temps en temps, plaçant un billot sous son menton, il disait : « Si je recevais le coup de sabre dans cette position, peut-être pourrais-je sauver mon âme. » Toutefois, pour ne pas agir avec trop de témérité, il se cacha d’abord. Mais comme il revenait très-souvent dans sa maison, il y fut rencontré un jour par les satellites, qui se présentaient avec un mandat d’arrêt lancé par le tribunal sur la dénonciation d’un apostat. Ce mandat portait un autre nom que le sien, et il eût été facile à Paul de s’esquiver ; mais il n’eut garde de manquer l’occasion favorable, et suivit les satellites à la préfecture de Liong-tan. Après un interrogatoire, suivi de la bastonnade sur les jambes, on l’envoya à Tsien-tsiou, chef-lieu de la province. Là, il eut à subir par deux fois les supplices de l’écartement des os et de la puncture des bâtons, et le mandarin voyant qu’il ne pourrait obtenir de lui ni apostasie ni dénonciation, le laissa en prison jusqu’à nouvel ordre.