Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/556

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ment déchirées qu’on voyait les os, et je ne pouvais ni m’asseoir ni manger le riz. Chaque jour, je ne prenais que deux ou trois bols de vin. La gangrène s’était mise dans mes plaies, et il s’en exhalait une odeur insupportable. De plus, la chambre était pleine de vers et de vermine, de sorte que personne n’osait m’approcher. Heureusement, quelques chrétiens en bonne santé me soutenaient pour que je pusse un peu remuer, et voulaient bien nettoyer mon cachot de temps en temps. Comment les remercier assez de cet acte de charité ? »

Telle était la situation de Pierre Sin dans la prison où il devait attendre si longtemps la couronne du martyre. Nous avons rapporté tout au long les intéressantes particularités de son procès, car rien ne peut donner une plus juste idée des procédés barbares dont on use envers les chrétiens, et des préjugés nourris contre eux par les idolâtres. Pour la même raison, malgré quelques redites inévitables, nous allons reproduire l’interrogatoire de Paul Ni. Ces détails nous montrent comment Dieu, qui sait tirer le bien du mal, profitait de la persécution elle-même pour faire prêcher l’Évangile devant les tribunaux, pour faire connaître la doctrine chrétienne aux principaux magistrats du royaume, et par eux à une foule d’autres personnes. Cette prédication au milieu des supplices a été la cause première de la conversion d’un grand nombre ; elle justifiera la condamnation sévère de ceux qui, ayant des oreilles, n’ont pas voulu entendre, et, par des motifs humains, ont obstinément fermé les yeux à la lumière.

Paul Ni Tsiong-hoi, appelé légalement Kieng-pien-i, était le dernier des frères de Charles Ni et de Luthgarde Ni, martyrisés en 1801. Comme eux, il reçut dès l’enfance une éducation vraiment chrétienne D’une constitution frêle et délicate, d’un caractère à la fois doux et ferme, il brillait par les plus belles qualités du cœur et de l’esprit. Sa famille, issue du roi fondateur de la dynastie actuelle, avait occupé, jusqu’à la persécution, les plus grandes dignités du royaume. Mais son frère et sa sœur ayant été décapités en 1801, pour cause de religion, tous les siens furent proscrits, et sa maison entièrement ruinée. Paul n’avait alors que neuf ou dix ans. Resté avec sa mère veuve et sa belle-sœur veuve aussi, il vécut à la capitale dans une grande pauvreté. Lorsqu’il fut en âge, on le maria à une personne de la classe moyenne, et par une permission de Dieu, sa femme se trouva être d’un caractère intraitable, en sorte qu’il eut avec elle, pendant tout le cours de sa vie, des peines sans nombre, qu’il supporta avec une patience exemplaire. En 1815, sa mère