Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/563

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renier mon Dieu. » On me reporta à la prison. Le lendemain, même scène et mêmes supplices pendant lesquels je m’évanouis. Plusieurs valets me portèrent dans le liant de la salle et me frictionnèrent doucement tout le corps. Quand je revins à moi, il était nuit. Le surlendemain je fus porté à dos chez le mandarin du district. À voir toutes les dispositions, je crus mon dernier moment arrivé. On me fit lecture du rapport au gouverneur et de l’adresse au roi, et le mandarin ajouta : « Tu le vois, tout le monde s’efforce de te conserver la vie. Les autres chrétiens se sont tous soumis au roi, pourquoi voudrais-tu seul agir avec entêtement ? Dis seulement une parole. — Je ne le puis pas. » Après des tentatives sans nombre, n’ayant plus rien à essayer, il me fit signer ma condamnation. Il y a trois jours que ceci s’est passé, et on prétend que le juge criminel doit m’interroger de nouveau. Qu’en sera-t-il ? Pendant toutes ces épreuves, quoique je ne m’appuyasse que sur Dieu et sa sainte Mère, j’ai eu de violentes tentations, me voyant entre la vie et la mort. Jour et nuit, j’étais singulièrement tourmenté. Depuis hier, mon cœur est plus calme. Combien grande est cette grâce ? Comment faire pour en remercier Dieu ? Comment y répondre ? Je ne le puis que par ma mort.

« Le 6 de la cinquième lune, après avoir été conduit au tribunal criminel, je fus ramené chez le mandarin du district. Lui et plusieurs autres mandarins réunis me firent comparaître par trois fois devant eux, et employèrent pour me sauver la vie mille paroles caressantes et pleines de finesse. À la fin, comme je ne me rendais pas : « Lui parler davantage, est inutile, » dirent-ils, et ils me renvoyèrent à la prison où, d’ailleurs, j’étais assez bien traité. Le 13, après qu’on eut fait subir l’interrogatoire à plus de cinquante chrétiens, je fus, vers quatre heures du soir, cité moi-même et le juge me dit : « À la fin ne viendras-tu pas à résipiscence ? » Je répondis négativement, et, sans plus de questions, on me plaça sur la planche à tortures. Hélas ! je n’ai aucune ferveur et suis d’une faible complexion, mais par une grâce toute spéciale, pendant que je fus sur cette planche, je ne pensais qu’à la flagellation et au crucifiement du Sauveur. À chaque coup, j’invoquais Jésus et Marie. Après une vingtaine de coups, sentant que je perdais connaissance, je dis : « Mon Dieu recevez mon âme entre vos mains. » Quand le nombre voulu fut achevé, on me tira de dessus la planche, ou me mit au cou une cangue d’une vingtaine de livres, et on me traîna jusqu’à la porte. La connaissance me revenant un peu, j’essayai de marcher, soutenu par deux personnes, sans pouvoir y réussir. Un jeune homme, du