Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/572

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lez prendre soin de ma femme et de mes enfants. Il y en a bien d’autres à qui je pourrais me fier, et qui ne tromperaient pas ma confiance, mais entre tous, vous mon ami, comprenez toute ma pensée, et vous n’oublierez pas la parole d’un mourant. Le temps passe vite, déjà plus d’un mois s’est écoulé depuis mon arrestation. Quant aux souffrances, je ne suis pas moi-même capable de les supporter, le corps trop faible ne saurait les vaincre, et si ce n’était la grâce de Dieu et le secours de Marie, comment pourrais-je tenir même un instant ? Je suis tourmenté par la pensée de n’avoir pu payer les dettes contractées envers les chrétiens de la capitale et de la province, et de n’avoir pu reconnaître les bienfaits que j’ai reçus. Il ne me reste qu’à invoquer Dieu, espérant qu’il m’en fera remise.

« Je vous le dis de nouveau à tous, et j’ose espérer dix mille fois que vous m’écouterez : ce temps n’est vraiment qu’un instant, faites vos efforts, épuisez tous les moyens pour obtenir une bonne mort. La masse de mes péchés monte jusqu’au ciel, mais puisque Dieu m’a comblé de bienfaits jusqu’ici, certainement il ne veut pas m’abandonner. Si j’obtiens le premier d’arriver au ciel, qui que vous soyez, quand vous viendrez à notre grande demeure, j’irai à votre rencontre avec les instruments de musique, et nous monterons ensemble devant notre Père commun pour le louer et nous féliciter. J’aurais encore mille choses à vous dire, mais je ne le puis sur le papier. Ayez soin de conserver le corps et l’âme en bon état dans ce monde qui passe, et, dans l’éternité, nous nous découvrirons entièrement les sentiments de nos cœurs.

« Année tieng-hai, le 25 de la cinquième lune.

« Paul Ni. »


Il ne paraît pas que Paul ait eu d’autres interrogatoires à subir après ceux qu’il nous a lui-même racontés. Dans la prison, il continua de faire l’édification de tous par sa patience, par sa ferveur et sa soumission à la volonté de Dieu. Mais son corps, naturellement faible, avait été tellement brisé qu’il ne put prendre le dessus. Épuisé par ses blessures, notre courageux martyr languit encore quelques jours, et le 4 de la cinquième lune intercalaire, sa belle âme s’envola vers le ciel pour y recevoir le prix de son invincible constance. Il avait alors trente-six ans.

Ainsi mourut cet insigne confesseur de la foi, l’un des plus grands héros de l’Église coréenne. Depuis son arrivée à la pri-