Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/574

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Nous, au moins, par un bienfait tout spécial de Dieu, porterons-nous des fruits de salut ? » Peu de temps après, ils furent cités devant le mandarin du district. On leur fit signer leur sentence de mort, puis, les appelant un à un, on leur demanda par trois fois s’ils n’avaient pas de regret de mourir. Chacun répondit n’avoir aucun regret. On leur passa la cangue, on leur remit les fers aux pieds et on les reconduisit à la prison. Le lendemain ils comparurent devant un autre mandarin, et la même scène que le jour précédent fut répétée trois fois encore. Deux jours après, par-devant le gouverneur, la même triple interrogation fut faite et la même réponse donnée. Enfin toutes les formalités étant remplies, ils quittèrent le tribunal définitivement condamnés à mort. Sur leur passage, les valets criaient mille injures grossières ; les uns les frappaient avec le pied, d’autres faisaient pirouetter leurs cangues, tous leur prodiguaient des marques de mépris et de dérision.

De retour à la prison, ils s’attendaient à être presque immédiatement livrés au bourreau. La réponse du roi devait arriver en quelques jours, et ils ne cessaient de se consoler et de se fortifier mutuellement. Une joie toute divine inondait leurs âmes, une sainte gaîté animait leurs actions et leurs paroles. « C’est pour aujourd’hui, c’est pour demain, » disait-on ; et chacun, confiant dans le secours de Dieu, était bien résolu. Quelques jours se passèrent ainsi, puis quelques mois, puis des années entières, et l’on comprit enfin que l’exécution était indéfiniment ajournée. L’unique cause de ce retard était la volonté personnelle du roi. Ce prince que nous avons vu, vingt-cinq ans plus tôt, intervenir encore enfant pour faire cesser la grande persécution de 1801, était d’un naturel doux et tranquille. Il répugnait par instinct à verser le sang de ses sujets, et dans le cas présent, on ne put lui arracher la ratification de la sentence portée par le tribunal de Tsien-tsiou.

Laissons donc pour un temps, dans la prison de cette ville, nos généreux confesseurs porter les chaînes pour le nom du Sauveur Jésus, et suivons l’histoire de la persécution dans les autres provinces.