Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 1.djvu/58

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si de l’organisation civile de la Corée on passe à son organisation militaire, ce qui frappe d’abord, c’est le chiffre énorme de l’armée. Les statistiques officielles comptent plus de un million deux cent mille hommes portés sur les rôles. Cela vient de ce que tout individu valide, non noble, est soldat ; la loi ne reconnaît que très-peu d’exceptions. Mais l’immense majorité de ces prétendus soldats n’ont jamais touché un fusil. Leurs noms sont inscrits sur les registres publics, et ils ont à payer annuellement une cote personnelle. Encore ces registres ne méritent-ils aucune confiance. Très-souvent ils sont remplis de noms fictifs ; on y voit figurer des membres de familles éteintes depuis une ou deux générations, et beaucoup de ceux qui devraient être inscrits échappent à cette obligation en donnant quelque présent aux employés subalternes chargés de la révision des listes.

Les seules troupes à peu près sérieuses du gouvernement coréen sont les dix mille soldats répartis dans les quatre grands établissements militaires de la capitale. Ceux-ci sont un peu exercés aux manœuvres militaires. Chose curieuse, quoiqu’il y ait un ministère de la guerre, les généraux qui commandent ces corps d’élite relèvent directement du conseil suprême, qui seul a le droit de les nommer ou de les révoquer. Notons aussi, pour mémoire, quelques compagnies casernées dans les quatre grandes forteresses royales, et les gardes des gouverneurs ou des officiers supérieurs qui commandent en province.

Voici, par ordre hiérarchique, les différents titres des mandarins militaires. Un tai-tsieng est un général. Il y en a de plusieurs degrés, et tous résident à la capitale. Un pieng-sa est le commandant d’une province ou d’une demi province. Un siou-sa est un préfet maritime. Un ieng-tsiang est une espèce de colonel qui a sous lui les trois grades inférieurs d’officiers : tsioung-koun, kam-mok-koan et piel-tsiang, titres correspondants, si l’on veut, à ceux de capitaine, lieutenant et sous-lieutenant.

Il est important de noter ici que le cumul des charges civiles et militaires est très-commun en Corée. Souvent c’est le gouverneur de la province qui est en même temps pieng-sa ou commandant militaire. Partout les ieng-tsiang sont en même temps juges criminels, et c’est sous ce dernier titre qu’on les désigne presque toujours. Ce fait, étrange au premier coup d’œil, s’explique par la paix profonde dont la Corée n’a cessé de jouir depuis plus de deux siècles. L’armée étant devenue inutile, ce qui concerne son organisation se réduit presque à rien, et la force des choses a amené tout naturellement cette transformation des officiers en magistrats.