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brement, d’après lesquels l’impôt est perçu, ne méritent aucune confiance. Un fait notoire, dont les missionnaires ont été plusieurs fois témoins, c’est que les employés des mandarins, lorsqu’ils viennent dans les villages pour dresser les listes officielles, ont l’impudence de fixer publiquement la somme que devra leur payer quiconque ne veut pas être inscrit. Ordinairement c’est une affaire de cent ou cent cinquante sapèques (deux ou trois francs). S’il s’agit de l’inscription sur les rôles de l’armée, il en coûte un peu plus pour y échapper ; mais avec de l’argent on en vient également à bout.

Les provisions des magasins publics n’existent que sur les livres de compte. Dans le voisinage immédiat de la capitale, les arsenaux sont un peu fournis. Un fort, pris par les Américains lors de leur expédition (juin 1871), renfermait une cinquantaine de canons de fabrique chinoise, se chargeant par la culasse. Il y avait aussi des cuirasses et des casques en toile de coton de quarante épaisseurs, impénétrables aux sabres ou baïonnettes, et qu’une balle conique seule peut percer. Mais les arsenaux de province n’ont ni effets d’habillement, ni munitions, ni une arme en bon état. Tout a été vendu par les employés des préfectures, qui ont mis à la place quelques haillons et de vieilles ferrailles inutiles. Si par hasard un mandarin honnête essaye quelques efforts pour remédier à ces dilapidations, tous les employés s’unissent contre lui, son action est paralysée, et il est obligé de fermer les yeux et de laisser faire, ou bien d’abandonner son poste ; heureux encore quand il n’est pas sacrifié aux attaques calomnieuses qui le représentent à la cour comme un révolutionnaire et un ennemi de la dynastie.

L’anecdote suivante, racontée par M. Pourthié, montre que cette corruption universelle part de trop haut, pour qu’il soit possible d’y porter remède. « L’hiver dernier (1860-61), le ministre Kim Piong-ku-i a perdu la principale autorité qui a passé à son cousin Kim Piong-kouk-i, homme violent et assez hostile à notre sainte religion. Ce dernier est parvenu au pouvoir par un crime d’état qui l’a rendu très-impopulaire, et qui tôt ou tard peut lui coûter cher. Quoique beau-frère du roi, il n’avait pas assez d’argent pour acheter le poste de premier ministre, car ici cette dignité se vend comme tous les autres mandarinats. La seule différence est que les lettrés achètent les mandarinats ordinaires au ministre en faveur, tandis que celui-ci achète sa place aux eunuques. Notre petite Majesté coréenne est, comme vous savez, dans le même état qu’étaient jadis nos rois fainéants.