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de mandarins ont le courage de résister à l’influence des prétoriens, ou l’adresse de déjouer leurs intrigues.

Une autre cause d’injustice dans les tribunaux coréens, c’est l’intervention des grands personnages. Les familles des ministres, des femmes du roi, des grands dignitaires, etc… ont une foule de valets ou suivants, qui s’attachent à leur service gratis, et quelquefois même en donnant de l’argent, afin d’obtenir leur protection. Ces individus, moyennant salaire, se font entremetteurs dans mille affaires, et obtiennent de leurs maîtres des lettres de recommandation qu’ils présentent au mandarin. Celui-ci n’ose jamais résister, et la cause ainsi appuyée, quelque injuste qu’elle puisse être, est gagnée de droit. Il est reçu aujourd’hui que le créancier qui ne peut rien tirer de son débiteur, n’a qu’à promettre moitié de la somme à quelque puissant personnage. Il en reçoit une lettre pour le mandarin, qui, sans examiner si la réclamation est fondée ou non, condamne le débiteur et le force à payer. Le mandarin qui hésiterait en pareil cas, se ferait en haut lieu un ennemi acharné, et perdrait certainement sa place.

En Corée, comme jadis dans le monde entier et comme aujourd’hui encore dans tous les pays qui ne sont pas chrétiens, le principal moyen employé pour l’instruction d’un procès criminel est la torture. Il y en a plusieurs espèces, et de plusieurs degrés, mais la plus terrible de toutes est précisément celle qui ne figure pas au nombre des supplices autorisés par la loi, c’est-à-dire le séjour plus ou moins long dans les prisons. Ces prisons consistent généralement en une enceinte fermée de hautes murailles, auxquelles s’appuient à l’intérieur des baraques en planches. Le milieu laissé libre forme une espèce de cour. Chaque baraque n’a d’autre ouverture qu’une porte très-petite, par où la lumière pénètre à peine. Le froid en hiver, et la chaleur en été, y sont intolérables. Le sol est couvert de nattes tissées avec une paille grossière. « Nos chrétiens, écrit Mgr Daveluy en parlant de la grande persécution de 1839, étaient entassés dans ces prisons, au point de ne pouvoir étendre leurs jambes pour se coucher. Ils m’ont déclaré, unanimement, que les tourments des interrogatoires sont peu de chose, en comparaison des souffrances de cet affreux séjour. Le sang et le pus qui sortaient de leurs plaies eurent bientôt pourri leurs nattes. L’infection devint insupportable, et une maladie pestilentielle enleva en quelques jours plusieurs d’entre eux. Mais la faim, la soif surtout, étaient pour eux le plus terrible des supplices, et beaucoup de ceux qui avaient