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grands personnages, l’avidité des mandarins subalternes et de leurs satellites, toutes les mauvaises passions qui en pareil cas se groupent instinctivement au service de l’enfer, n’attendaient que le signal. Comme toujours, parmi les chrétiens il se trouva des traîtres, pour attiser le feu, diriger les coups, et vendre à vil prix leurs frères et leurs pasteurs ; les sourdes menées de ces misérables contribuèrent beaucoup à rendre la persécution plus dangereuse et ses résultats plus funestes.

Mgr Imbert lui-même nous a laissé le récit détaillé des premiers faits de cette persécution, dans un journal interrompu par son propre martyre. Nous ne faisons guère ici que le copier, en le complétant à l’aide des notes de Mgr Daveluy.

« Un fervent chrétien, que j’avais administré quelques jours avant de quitter la capitale, avait un neveu, païen forcené et sergent dans les satellites. Le 16 janvier 1839, à la chute du jour, celui-ci, accompagné de plusieurs de ses hommes, vint s’emparer du néophyte qui avait assisté son oncle à la mort, et pour être plus sûr de son coup, saisit trois familles entières : François Tsio, Pierre Kim, Pierre Kouen, notre chargé d’affaires, qui avait assisté le malade et m’avait conduit chez lui, et aussi son beau-frère qui se trouvait chez lui par hasard ; en tout quatre hommes, six femmes et sept petits enfants dont trois encore à la mamelle. C’était un touchant spectacle de voir ces petits innocents dans le séjour destiné aux criminels ; les mandarins eux-mêmes, émus de pitié et fâchés de cette arrestation, différèrent plusieurs jours de commencer l’interrogatoire. Les malheureuses mères apostasièrent aussitôt qu’on les mit à la question, et furent renvoyées de suite avec leurs enfants. Pierre Kim et une jeune veuve, belle-sœur de François Tsio, eurent aussi la faiblesse de céder aux supplices. Pierre Kim mourut quelques jours après, des suites des tourments qu’il avait éprouvés. Il ne me fit pas appeler ; il se bouchait les oreilles pour ne pas entendre les exhortations de sa femme repentante. Je suis sûr que c’est le désespoir qui l’a tué, plus que ses blessures, car cet infortuné avait non-seulement renié la foi, mais encore répété, sous la dictée du mandarin, les plus sales et les plus odieuses imprécations contre Dieu, contre chacune des trois personnes de la sainte Trinité, contre la très-sainte Vierge surtout. Je n’ai pu en entendre le récit sans frémir d’horreur. Ces malédictions ne furent pas du reste particulières à cet apostat ; la plupart ont à prononcer des formules analogues pour être mis en liberté. Les satellites s’emparèrent de la maison de Pierre Kouen qu’ils vendirent à moitié prix, puis des meubles et