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au petit séminaire de Carcassonne, où il se fit remarquer par ses talents, son application au travail, sa piété sincère, et surtout par son intrépide franchise. Devenu diacre, il fut quelque temps professeur de troisième dans ce même petit séminaire, puis passa au grand séminaire, et, pendant quatre ans, y enseigna successivement la philosophie et la théologie avec un rare succès. Un de ses anciens amis traçait de lui, il y a quelques années, le portrait suivant : M. Bruguière était d’une taille au-dessous de la moyenne, corps un peu grêle, cheveux blonds, teint basané. Nous admirions son zèle, sa haute intelligence, son grand bon sens. Il avait une telle énergie, une telle indépendance de caractère que son supérieur disait de lui en riant : Si jamais il est évêque, sa devise sera : « Quoi qu’on en pense et quoi qu’on en dise, j’irai de l’avant. » Joignez à tout cela une mortification extraordinaire, car la dernière année qu’il passa dans son pays, il ne vécut guère que de pain et d’eau, et nulle remontrance ne put lui faire changer ce régime d’anachorète.

M. Bruguière quitta son pays secrètement, sans avertir sa famille, et vint à Paris au séminaire des Missions-Étrangères, en 1825. De là il écrivit à son père, pour lui faire connaître sa résolution, et le consoler de son départ. Ce père, homme de foi et véritable chrétien, accepta le sacrifice que Dieu lui imposait, et souvent depuis, quand on lui parlait de son fils, il disait les larmes aux yeux : « Que voulez-vous ? il a préféré le bon Dieu à moi, il a eu raison. »

Après quelques mois de séjour au séminaire, M. Bruguière s’embarqua à Bordeaux, en mars 1826, et arriva à Bang-kok, capitale du royaume de Siam, le 4 juin 1827. Le Vicaire apostolique de Siam, Mgr Florent, évêque de Sozopolis, vieillard vénérable, blanchi dans les travaux de l’apostolat et accablé d’infirmités, n’avait alors auprès de lui que quelques prêtres indigènes. Aussi, reçut-il avec la joie la plus vive le secours que Dieu lui envoyait. M. Bruguière fut chargé immédiatement du séminaire de la mission composé d’une vingtaine d’élèves, et en même temps s’appliqua avec ardeur à l’étude des langues du pays. Dès qu’il put prononcer quelques mots, il commença à exercer le saint ministère. Son œuvre de prédilection était le baptême des enfants infidèles en danger de mort. Il aurait bien voulu aller lui-même à la recherche de ces pauvres petites créatures ; mais, obligé par ses fonctions de séjourner à Bang-kok, il dut se contenter de presser et de favoriser, de toutes manières, l’envoi de baptiseurs expérimentés. Dans les six premiers mois de son séjour, il con-