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renfermé le vénérable Perboyre, missionnaire lazariste qui, quelques jours plus tard, devait verser son sang pour la Foi. Il longea les murs de Péking pendant deux heures, sans entrer dans cette capitale, traversa heureusement la grande muraille et arriva enfin à Sivang, en Tartarie, où il trouva chez les missionnaires lazaristes une fraternelle hospitalité.

C’est dans ce village qu’il commença à avoir des inquiétudes sur le sort des missionnaires et des chrétiens de Corée. Cette année 1840, on n’avait reçu aucune nouvelle de la mission. Aucun courrier chrétien n’était venu à Péking, personne n’avait paru à la frontière. Un Chinois ayant demandé à un membre de l’ambassade coréenne pourquoi le mandarin Liéou (Augustin Niou) ne faisait plus partie de la députation, — « Que lui veux-tu ? » avait répondu celui-ci. — « Je lui ai prêté de l’argent et je voudrais le réclamer. — Tu attendras longtemps ton argent, on lui a coupé la tête ainsi qu’à bien d’autres, » dit le Coréen. Ces paroles sinistres et d’autres symptômes ne laissaient que trop clairement entrevoir ce qui s’était passé ; mais le missionnaire n’en fut point découragé.

Après avoir séjourné un mois et demi à Sivang, M. Ferréol reprit sa route à travers la Mongolie et la Mandchourie ; il lui restait encore trois cents lieues à faire pour arriver aux frontières de la Corée. Le pays qu’il traversa ne ressemblait plus à la Chine, généralement si peuplée et si bien cultivée. Il marchait quelquefois des journées entières sans trouver une habitation. Les montagnes, les plaines en friche, étaient couvertes de troupeaux de bœufs, de chevaux et de dromadaires, et il put alors voir ce qu’est un peuple nomade, ne cultivant pas la terre, se nourrissant uniquement du lait et de la chair de ses animaux, se revêtant de leur peau, dressant sa tente aujourd’hui dans le lieu où le pâturage est le plus abondant, et demain la transportant ailleurs lorsque ce pâturage est épuisé. Un jour il entra dans une de ces tentes mongoles, pour s’y rafraîchir. Elle était de forme circulaire terminée en dôme ; tout autour étaient rangés les meubles de la famille ; au milieu se trouvait le fourneau de la cuisine. Des peaux revêtues de leur poil couvraient le sol, et à l’entrée de la tente il y avait un grand tas de crottins de chevaux et de bouses de vache, seul combustible des habitants de ces déserts.

« Nous nous assîmes sur nos talons, raconte-t-il, nous bûmes le thé au lait de jument, nous allumâmes notre pipe à un crottin de cheval, et nous partîmes. Ô Dieu ! quel pays pour un voyageur européen ! Vous n’y voyez pas de grand chemin, mais en