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cependant je me tiendrai prêt, comme si je devais la quitter à l’instant même. »

La démarche de M. Bruguière était approuvée par Mgr Florent. Ce vénérable évêque, qui venait de le choisir pour son coadjuteur et qui s’était écrié : « Je suis au comble de la joie ; j’aurai un successeur en mourant, » consentait généreusement à le laisser partir. Voici ce qu’il écrivait à ce sujet aux directeurs du séminaire : « M. Bruguière s’offre de tout cœur, si la chose est nécessaire, pour aller au secours des pauvres Coréens, et moi, de mon côté, si c’est pour la plus grande gloire du Seigneur, je le céderai volontiers. Ceci vous surprendra sans doute, et vous fera peut-être penser et dire que le vicaire apostolique et son coadjuteur ont perdu la tête. Grâces à Dieu, je crois qu’elles sont encore saines. Mais quelle conduite ! dira-t-on ; il demande un successeur, il l’a, et il le lâche aussitôt. Mais puis-je craindre que le Seigneur se laisse vaincre en libéralité ? J’approuve, ainsi que l’a fait la Sacrée Congrégation, vos raisons de sagesse et de prudence, mais si nous faisons une réflexion sérieuse sur ce qui se passe tous les jours sous nos yeux, toutes vos raisons pourront perdre une partie de leur force. Vous voyez comment dans le temps où tout semblait perdu, et où toutes nos missions paraissaient tendre à leur fin, faute d’ouvriers et faute de revenus, la Providence est venue à notre secours d’une manière bien admirable et qu’on pourrait dire tenir du miracle. Quand est-ce, en effet, qu’on a vu plus de missionnaires et plus d’aumônes pour les missions qu’à présent ? Pourrions-nous, sans faire injure à la Providence divine, n’avoir pas la confiance qu’elle viendra à notre aide quand sa plus grande gloire y sera intéressée ? Le salut d’un grand nombre d’âmes sera un titre puissant pour exciter la miséricorde de Dieu en notre faveur. Je supplie le Seigneur d’exaucer le vœu des pauvres Coréens, et de leur envoyer bon nombre de missionnaires vraiment apostoliques. »

En attendant la décision du Souverain Pontife, M. Bruguière continua ses travaux dans le royaume de Siam. Il reçut la consécration épiscopale à Bang-kok en 1829, le jour de la fête des bienheureux apôtres Pierre et Paul, et cette augmentation de grâce ne fit qu’accroître son zèle. Envoyé dans l’île de Poulo-Pinang, pour y fixer sa résidence, non-seulement il travailla lui-même avec une ardeur infatigable, et, en moins d’un an, parvint à retirer de leurs désordres beaucoup de pécheurs publics, mais il réussit encore à établir des prêtres à Badang, à Nias et dans l’île importante de Singapour. Tout en se livrant corps et