Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/264

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE II.

La guerre de l’opium. — Double tentative d’André Kim pour pénétrer en Corée. — M. Ferréol est nommé Vicaire Apostolique.


L’année 1842 restera célèbre dans l’histoire des relations de l’Europe avec l’extrême Orient. Pour la première fois les Européens ou, selon l’expression chinoise, les Barbares de l’Occident se trouvèrent directement aux prises avec le Céleste-Empire, et montrèrent à l’Asie étonnée l’inconcevable faiblesse de ce colosse aux pieds d’argile, pourri d’orgueil et d’immoralité.

C’était la première guerre anglo-chinoise, bien connue sous le nom de guerre de l’opium, et dont il suffit de rappeler les causes en deux mots. Les marchands anglais trouvaient un grand profit à vendre aux Chinois l’opium préparé dans l’Inde ; les Chinois de leur côté s’adonnaient avec une passion de plus en plus fatale à l’usage de ce narcotique. On sait que l’habitude de l’opium est cent fois plus funeste et plus difficile à vaincre que l’habitude des liqueurs fortes, et que l’ivresse ainsi produite mène rapidement ses victimes à l’abrutissement et à la mort. Les mesures de prohibition employées d’abord par le gouvernement chinois avaient été inutiles ; il se faisait, par contrebande, un commerce considérable d’opium, et un très-grand nombre de mandarins favorisaient en secret, à prix d’or, ce trafic illicite. À la fin, pour couper le mal dans sa racine, le vice-roi de Canton fit saisir et brûler publiquement toutes les caisses d’opium qui se trouvaient dans les factoreries anglaises de Canton.

Les marchands, furieux de cette perte, exaspérés d’ailleurs par l’orgueilleuse conduite des mandarins et par les avanies qu’on leur faisait continuellement subir, entraînèrent facilement le gouvernement anglais à prendre leur cause en main. En quelques mois, une poignée d’hommes battit les représentants du Fils du Ciel, leur imposa les conditions les plus dures et les plus humiliantes, et en faisant ouvrir les ports libres, ébranla la barrière séculaire qui isolait la Chine du reste du monde.

Dans cette guerre, les Anglais avaient évidemment tort, et le principe de liberté de commerce, invoqué par eux, n’était qu’une moquerie, car on ne peut pas, licitement, forcer un peuple à s’empoisonner, ou un gouvernement à laisser empoisonner le