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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/267

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contrés, crurent qu’ils devaient quitter les navires et continuer leur route vers leurs missions. Ils s’embarquèrent donc sur une jonque chinoise avec les deux élèves coréens, et firent voile pour les côtes du Léao-tong, où ils arrivèrent le 25 octobre 1842. Ils y opérèrent leur descente en plein jour, mais furent immédiatement signalés à une douane voisine dont les satellites, renforcés par une troupe de païens, ne tardèrent pas à les envelopper.

« À cette vue, écrit M. Maistre, nos guides effrayés perdent la parole. On nous interroge ; on nous prend par les bras pour nous conduire au mandarin ; chacun s’agite en tumulte autour de nous. M. de la Brunière qui parlait chinois a beau répondre en bonne langue mandarine à toutes leurs questions : « Je suis étranger ; je ne vous comprends pas ; laissez-moi tranquille, je ne veux pas vous parler ; » le silence des chrétiens consternés nous compromettait de plus en plus. Cependant le jeune élève coréen André Kim, plein d’esprit et de feu, fit aux assaillants un long discours, leur reprochant d’être venus à nous comme à des voleurs, de nous avoir perdus de réputation, d’avoir odieusement vexé des hommes inoffensifs qui émigraient de la province de Kiang-nan pour affaires, etc. Tandis que la vivacité de sa déclamation les tenait en respect, arriva un homme tout essoufflé accompagné d’un domestique. À la réception que lui firent les satellites, on pouvait juger qu’il était considéré dans le pays ; il paraissait d’ailleurs fort inquiet à notre sujet, et ses yeux semblaient nous dire qu’il venait à notre secours. Il prit donc la place du Coréen, parla, gesticula et cria avec tant de force que les douaniers lâchèrent leur proie. J’étais bien curieux de savoir qui était notre libérateur. Quelle fut ma surprise lorsque j’appris qu’il était idolâtre, et qu’il ignorait entièrement notre qualité d’Européens ! mais nous lui avions été recommandés par notre catéchiste qui était son ami. Après un tel vacarme, nos guides n’avaient presque plus l’usage de leurs facultés, ils ne pensaient plus, ne voyaient plus. Bref, au lieu de nous conduire au char qui nous attendait à quelque distance, ils se trompèrent de route, et nous promenèrent au hasard pendant près de deux heures sur un grand chemin couvert de piétons, au risque d’être à chaque pas reconnus. »

M. Maistre eut beaucoup de peine à trouver un refuge dans un village à huit lieues de la mer ; André Kim demeura avec lui. Thomas T’soi suivit M. de la Brunière, pour aller ensuite rejoindre M. Ferréol en Mongolie. Le 7 novembre arriva, dans le village où M. Maistre était caché, un courrier chinois qui venait des frontières de la Corée. Il n’y avait encore aucune nouvelle