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Au lever du soleil il était sur les bords du fleuve ; il se hâta de le traverser, mais plusieurs fois la glace manqua sous ses pieds, et il n’échappa à la mort que par miracle. Enfin, exténué de faim, de froid et de fatigue, il arriva dans une auberge de Pien-men. Là encore nouvel embarras. On lui refusa l’hospitalité, en lui disant qu’il n’était ni Chinois, ni Coréen, et en effet, ses haillons et son visage tout crevassé par le froid lui donnaient un air si étrange qu’il ne ressemblait ni aux uns, ni aux autres. On voulait le livrer au mandarin : mais sa présence d’esprit ou plutôt la divine Providence le sauva. Il eut enfin le bonheur de rencontrer un individu plus intéressé que charitable, qui à prix d’argent consentit à lui donner un gîte. André reprit des habits chinois, et regagna la retraite de M. Maistre à qui il conta ses aventures.

Tel fut le coup d’essai du généreux André Kim dans cette vie de travaux et de périls qui allait être désormais son partage, et dont le récit devait un jour arracher ce cri à ses juges : « Pauvre jeune homme, dans quels terribles travaux il a toujours été depuis l’enfance ! »

Cependant M. Ferréol, dans le village de Mongolie où il s’était réfugié, fut bientôt instruit de toutes les nouvelles apportées par François Kim. Il venait de recevoir des brefs du Pape qui le nommaient évêque de Belline, et coadjuteur du vicaire apostolique de Corée avec future succession. Cette succession était ouverte, et elle était trop belle pour qu’il pût songer un seul instant à la refuser. Il répondit au souverain Pontife Grégoire XVI : « Très-Saint Père : Appuyé sur la bonté du Dieu des miséricordes, qui donne plus abondamment son secours à ceux qui sont dans l’indigence, je reçois avec humilité le fardeau que vous m’imposez. Je remercie Votre Sainteté, et mes actions de grâces sont d’autant plus grandes que la partie de la vigne du Père de famille qui m’est assignée, est plus abandonnée et d’un travail plus difficile… »

Les sentiments apostoliques du missionnaire sont encore mieux exprimés dans une lettre qu’il écrivit à cette époque aux directeurs du séminaire des Missions-Étrangères. « Ainsi, Messieurs, leur disait-il, il ne manque à la mission de Corée rien de ce qui fait ici-bas le partage de l’heureuse famille d’un Dieu persécuté, conspué, crucifié. Prions le Seigneur de réaliser l’espérance exprimée par Mgr de Capse mourant, de voir son peuple se ranger bientôt sous les lois de l’Évangile. Le sang de tant de martyrs n’aura point coulé en vain ; il sera pour cette jeune terre, comme il a été pour notre vieille Europe, une