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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/286

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« Quatre ou cinq heures, c’est tout ce qu’on accorde de temps pour vendre et acheter ; aussi le mouvement qu’on se donne, les rixes qui ont lieu, les coups de poing qui s’échangent, les rapines qui se font presqu’à main armée, donnent à Kien-wen l’aspect, non d’une foire, mais d’une ville prise d’assaut et livrée au pillage. Le soir venu, le signal du retour pour les étrangers est donné ; on se retire dans le même désordre, les soldats poussant les traînards avec la pointe de leurs lances. Nous eûmes bien de la peine à nous tirer de cette cohue. Nous regagnions Houng-tchoung, lorsque nous vîmes de nouveau venir à nous les courriers coréens ; ils ne pouvaient se résoudre à nous quitter ; ils voulaient encore s’entretenir avec nous, nous dire un dernier adieu. Mon compagnon sauta à bas de son cheval pour échanger encore quelques paroles amies ; je lui fis signe de remonter, de peur que les satellites qui nous environnaient, ne soupçonnassent en nous des personnes qui avaient d’autres intérêts que ceux du négoce : ensuite, saluant l’ange qui préside aux destinées de l’Église coréenne, et nous recommandant aux prières de ses martyrs, nous franchîmes le Mi-kiang et nous rentrâmes en Tartarie.

« À notre retour, nous trouvâmes le chemin bien changé. Le fleuve, sur la glace duquel nous avions glissé auparavant, était alors en grande voie de dégel. Des ruisseaux, descendant du haut des montagnes, grossissaient son cours, qui entraînait pêle-mêle des troncs de vieux arbres et d’énormes glaçons. De nouveaux voyageurs avec leurs voitures arrivaient toujours et s’encombraient sur ses bords. Leurs cris, les hurlements des bêtes féroces mêlés au fracas des eaux, faisaient de cette vallée un spectacle étrange et terrible. Personne n’osait s’aventurer au milieu du danger. Chaque année, nous dit-on, beaucoup de personnes périssent ensevelies sous la glace. Plein de confiance en la divine Providence qui nous avait conduits jusque-là, je cherchai un endroit guéable, et je gagnai l’autre rive. Mon compagnon fut plus prudent ; il prit un guide, et alla faire un long circuit. Nous n’eûmes à regretter que la perte d’un de nos chevaux. »

Après ce voyage d’exploration, André Kim rejoignit en Mongolie Mgr Ferréol, M. Maistre et son ami Thomas T’soi. Ces deux jeunes élèves coréens donnaient les plus belles espérances. Le tempérament d’André, jusqu’alors faible et maladif, s’était amélioré ; ses voyages sur terre et sur mer, tout en développant ses forces physiques, avaient augmenté et mûri l’énergie et l’intrépidité naturelle de son âme. Dieu n’avait pas donné à son com-