Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/311

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le crime, et la loi de Dieu était constamment violée. Cependant au fond de leurs cœurs, la foi n’était pas éteinte ; ils soupiraient tous après le moment où, débarrassés de ces entraves, ils pourraient de nouveau pratiquer les exercices de la religion et se réunir à des frères.

Humainement parlant, le sort des néophytes fidèles était plus fâcheux encore. Les époux avaient été violemment séparés ; la faim, la nécessité avaient chassé les enfants loin de leurs parents ; les frères étaient dispersés. Peu à peu néanmoins, ces plaies se réparaient, et au fur et à mesure que les familles se reformaient, elles cherchaient les moyens de se retirer dans des lieux écartés, où les exercices religieux pussent se pratiquer dans le secret. Soutenus par les principaux catéchistes qui avaient échappé au désastre, les regards sans cesse tournés vers la terre étrangère d’où pouvaient leur venir des pasteurs, ils parcouraient les montagnes, errant le jour et la nuit dans des lieux que les bêtes féroces avaient seules occupés jusqu’alors, et quand il n’y avait plus apparence d’habitations, loin de tout commerce étranger, ces pauvres exilés plantaient la tente qui devait abriter leur misérable existence. Il ne leur restait d’autre moyen de vivre que la culture des champs. Mais hélas ! quelle culture dans des lieux où jamais on n’avait songé à jeter la semence, où l’on ne rencontrait que montagnes, ravins, pentes abruptes, précipices épouvantables. Le riz, principale nourriture du pays, n’y peut venir ; un peu de millet, un peu de blé, quelques légumes, et principalement le tabac : voilà les seules productions de ces terrains arides.

Les plus fervents ayant pris les devants, peu à peu les autres fidèles suivirent et vinrent aussi peupler les montagnes. Chaque année leur nombre croissait, ce qui devint bientôt une nouvelle cause d’appauvrissement et de souffrances. Tous s’étant mis à la culture du tabac, l’extrême abondance en fit baisser le prix, au point qu’à l’arrivée de Mgr Ferréol, on en donnait pour la modique somme de vingt francs, la charge de deux hommes vigoureux. Aussi, nos infortunés néophytes trouvaient à peine dans un travail continu de quoi ne pas mourir de faim.

Ajoutons que l’éloignement ne les mettait pas toujours à l’abri des vexations. Souvent, des païens qui connaissaient leur gîte, venaient s’installer chez eux, vivre à leurs dépens, et les rançonner impitoyablement sous peine de dénonciation immédiate. Les satellites n’avaient pas non plus oublié les habitudes des temps de persécution. Sous le moindre prétexte, quelquefois sans prétexte aucun, ils faisaient des razzias dans les villages chrétiens,