Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/324

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veut plus de son champ. Hélas ! le champ de Dieu, c’est la terre et les hommes sont les bonnes semences ; il nous engraisse de ses grâces, nous arrose et nourrit du sang de son Fils incarné et mort pour nous, il nous instruit par ses saintes Écritures, nous exhorte par les évêques et les pasteurs, et nous enseigne continuellement par son divin esprit. Qu’ils sont grands les soins de cette éducation ! Arrivés au temps de la moisson et du jugement, si par sa grâce nous avons porté du fruit, nous jouirons du bonheur du ciel ; mais si nous sommes des plantes stériles, d’enfants de Dieu nous deviendrons ses ennemis, et nous souffrirons dans l’enfer la punition éternelle qui nous est due.

« Mes très-chers frères, sachez-le bien, N. S. Jésus, descendu en ce monde, a souffert lui-même des douleurs sans nombre. Par ses souffrances, il a établi son Église qui doit croître aussi au milieu des croix et des tribulations. Après l’ascension du Sauveur, depuis le temps des apôtres jusqu’à ce jour, l’Église a toujours grandi au milieu de mille persécutions ; mais, quoi que le monde fasse pour l’attaquer et la détruire, il ne pourra la vaincre. En Corée aussi la religion, introduite depuis cinquante ou soixante ans, a bien des fois été secouée par la tempête, et néanmoins les chrétiens y sont encore. Aujourd’hui la persécution recommence, plusieurs chrétiens et moi-même sommes en prison, et tous vous êtes menacés. Ne faisant qu’un même corps avec vous tous, puis-je n’en être pas peiné, et la nature pourrait-elle voir cette cruelle situation sans amertume ? Toutefois il est écrit que Dieu connaît le nombre de nos cheveux, et que pas un ne tombe de notre tête sans sa permission. Suivons donc la volonté sainte du Seigneur, et prenant le parti de notre chef Jésus, combattons toujours le monde et le démon.

« Dans ce temps d’agitation et de troubles, semblables à de vaillants soldats, revêtons nos armures, et comme sur un champ de bataille, combattons et soyons vainqueurs. Surtout n’oubliez pas la charité mutuelle, secourez-vous les uns les autres, et attendez que Dieu ait pitié de vous et exauce vos prières.

« Les quelques chrétiens emprisonnés ici sont, par la grâce de Dieu, en bonne santé ; s’ils viennent à être punis de mort n’oubliez pas leurs familles. J’aurais bien des choses à vous dire, mais comment tout dire par lettre ? Je termine donc. Pour nous, dans peu nous irons au combat. Je vous en prie, exercez-vous sincèrement à la vertu, et rencontrons-nous au ciel. Mes chers enfants que je ne peux oublier, dans ces temps orageux ne vous tracassez pas inutilement ; jour et nuit avec le secours de Dieu combattez