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nement dans toutes les provinces de la Corée. Son but était d’exciter la fureur et la haine du peuple contre les chrétiens, mais principalement contre les Français. Et il ne s’est trouvé personne pour repousser de telles impostures, pour combattre ces infâmes calomnies, tant on redoute la persécution. Les auteurs de la moindre protestation seraient recherchés, et les chrétiens seraient massacrés sans profit, comme rebelles. Après le naufrage qui eut lieu à Ko-koun-san, les Français avaient dit qu’ils reviendraient l’année suivante ; il y a de cela trois ans, et on n’a pas encore entendu de leurs nouvelles. Aussi commence-t-on à les regarder comme des fanfarons dont on n’a rien à craindre.

« Le gouvernement coréen est plus misérable que jamais ; déchiré par une foule de factions, il s’affaiblit tous les jours. Le dernier roi étant mort à vingt-trois ans, des suites de son intempérance et de ses débauches, son aïeule a mis sur le trône un autre roi de dix-huit ans. Ce jeune homme est de la famille royale, il était avant son avènement exilé dans l’île de Kang-hoa. Son aïeule et sa bisaïeule sont mortes pour la foi[1]. Son père sans être chrétien a été massacré pour la religion chrétienne, et son frère, cruellement calomnié, dit-on, a été mis à mort comme rebelle. Le voilà roi maintenant, mais roi sans autorité, en grand danger même de perdre ou le trône ou la vie, par suite des discordes qui règnent entre ses ministres contre lesquels l’autorité royale ne peut absolument rien. Ces malheureux ne sont occupés qu’à se tendre mutuellement des embûches, à ourdir contre la vie du roi lui-même les trames les plus perfides. Dans l’état actuel des choses, la loi coréenne est incapable de réprimer de tels crimes. Le peuple est malheureux au possible, écrasé par des exactions et des impôts de toute sorte. Les magistrats, les chefs de district, les satellites, les nobles n’épargnent personne. Les pauvres travaillent toute l’année, et c’est à peine s’il peuvent satisfaire l’avidité des employés du gouvernement. Mais je ne puis vous parler de toutes nos infortunes…

« Je veux vous demander un remède contre l’insalubrité de l’eau. Les Français, qui sont savants, pourront peut-être nous en indiquer un. Nous avons beaucoup de terrains, soit dans les plaines, soit dans les montagnes, qui offrent suffisamment de ressources à la culture, et où nos chrétiens pourraient avantageusement s’établir. Malheureusement les habitants de ces lieux sont

  1. Voir tome I, p. 143 et suiv., l’histoire du martyre des princesses dont il est ici question.