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ce moment, dans la rivière de Chang-haï, et l’on savait que beaucoup de nobles cœurs se hâteraient de répondre au premier appel. La demande en l’ut donc faite au commandant, qui jugea l’entreprise trop téméraire pour y exposer la vie d’un seul de ses matelots. Après un refus aussi positif, il fut impossible de rencontrer ailleurs non-seulement un pilote, mais la moindre barque européenne ou chinoise. Tout le monde était découragé ; il n’y eut que le pauvre missionnaire qui, loin de se laisser abattre, lorsqu’il se vit abandonné des hommes ordinairement les plus intrépides, redoubla sa confiance en Dieu. Son espérance ne fut pas vaine. Un Père jésuite de la mission du Kiang-nan, qui avait quelques connaissances nautiques, s’offrit pour pilote dans cette défection générale ; on parvint ensuite à trouver dans l’île de Tsong-ming une petite jonque païenne ; et enfin, M. le consul de France à Chang-haï inventa, dans son zèle ingénieux, le moyen de protéger autant que possible la petite expédition, en remettant au P. Hélot, établi commandant de la flotte, une commission d’aller visiter les débris du naufrage, pour favoriser sous ce prétexte l’introduction clandestine du missionnaire coréen.

« Tout étant ainsi organisé, la petite jonque leva son ancre de bois, déploya ses voiles de paille, et cingla sur la mer Jaune vers l’île inconnue du Camp français. À peine voguait-elle en pleine mer, que soudain s’éleva une furieuse tempête. Les éléments semblaient se conjurer avec l’ennemi du bien pour déjouer la sainte entreprise. Longtemps la barque lutta contre les flots qui, avec un affreux mugissement, s’amoncelaient devant elle pour lui barrer le passage et l’engloutir ; après d’inutiles efforts, force lui fut de virer de bord et de chercher un abri derrière l’île de Tsong-ming, qui divise et obstrue l’immense embouchure du fleuve Bleu lorsqu’il se jette dans l’Océan. Ce fâcheux contretemps, loin d’abattre le courage des deux missionnaires devenus pilotes, ne servit au contraire qu’à l’affermir et l’augmenter, car il leur procura l’occasion d’aller célébrer, dans une chrétienté voisine, au milieu de quelques pieux insulaires, la belle fête de l’Assomption ; ils en revinrent plus forts et plus assurés de la puissante protection de Marie, la bienfaisante Étoile de la mer. Sous d’aussi bons auspices, le frêle esquif remit donc à la voile, et vogua vers les côtes désirées de la presqu’île coréenne. Déjà depuis longtemps l’on n’apercevait plus le rivage, et il était prudent de s’assurer de la direction à suivre, direction que l’équipage ignorait entièrement. Le P. Hélot se mit en devoir d’interroger ses instruments, qui, après six heures de travail et