Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/384

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poisson vers les marais du Kiang-nan, et, après quelques jours d’heureuse traversée, remonta le Wou-song, et reparut triomphante à Chang-haï. Il fallait voir ces pauvres matelots chinois tout fiers de leur glorieuse campagne, et surtout, ce qu’il y avait de plus beau et plus consolant, pleins d’admiration pour le dévouement apostolique que seule notre religion sainte peut inspirer, s’instruisant déjà de la doctrine et des prières chrétiennes, et donnant le doux espoir d’une prochaine et sincère conversion à l’Évangile. Pour le P. Hélot, qui avait généreusement offert ses services et même sa vie pour diriger la périlleuse entreprise, il est, depuis huit jours, revenu ici avec la joie de l’avoir menée à bonne fin, et chaque jour il en reçoit nos félicitations et nos remercîments. »

M. Maistre, sous la conduite de son guide, parvint à gagner un village chrétien. Il y avait douze ans qu’il avait quitté la France, et plus de dix ans qu’il frappait obstinément à la porte de sa chère mission, toujours fermée devant lui. Mgr Ferréol dangereusement malade à Séoul, M. Daveluy épuisé par des travaux au-dessus de ses forces, et accablé par l’inquiétude que lui causait la maladie de son évêque, avaient perdu toute espérance de voir M. Maistre entrer cette année en Corée, lorsque tout à coup ils apprirent qu’il avait enfin pénétré dans le pays, et avait pu se rendre chez des chrétiens à une cinquantaine de lieues de la capitale. Ils l’envoyèrent chercher aussitôt et, quinze jours après, les trois missionnaires se trouvèrent réunis. Ce fut un moment de bien grande consolation. Leur joie cependant, comme toutes les joies de cette vie, était mélangée de peine et d’inquiétude. La maladie de l’évêque paraissait de plus en plus incurable. Son intelligence était toujours aussi vive, mais son corps s’affaiblissait visiblement. Ne pouvant garder aucune nourriture, presque toujours étendu sur son lit, il avait dû renoncer à toute espèce de travail. MM. Daveluy et Maistre firent une neuvaine à la Vierge Immaculée pour obtenir la guérison de leur vicaire apostolique. Ce dernier s’unissait à eux en recevant la sainte communion, car il ne pouvait plus célébrer la messe. Dieu n’exauça pas ces ferventes prières ; il voulait récompenser de suite son fidèle serviteur.

Vers la fin de septembre, Mgr Ferréol fit écrire une dernière lettre à M. Barran, supérieur du séminaire des Missions-Étrangères. « … Vous saurez déjà comment M. Maistre est enfin arrivé par une voie extraordinaire. Vous dire ma joie et les actions de grâces que je rendis à la Providence pour un si grand bienfait, ne serait pas chose facile. Tous les confrères, je n’en doute pas,