Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/411

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE II.

Mgr Berneux entre en Corée avec MM. Pourthié et Petitnicolas. — Ses premiers travaux apostoliques.


« Nous partîmes de Chang-haï, » écrit Mgr Berneux, « le 17 janvier. De là en Corée, la distance est peu considérable ; quatre jours, dans la bonne saison, peuvent suffire pour ce trajet, mais à l’époque où nous l’entreprenions, avec la mousson contraire, nous devions compter sur deux mois de mer. Retenus par les vents du nord qui n’ont cessé de souffler avec violence, nous avons passé tout le temps que nous sommes restés sur la jonque, à l’exception de quelques jours, dans les ports du Kiang-nan ou du Chan-tong. Ces derniers surtout étaient tellement encombrés, que les navires des différentes provinces de la Chine, qui attendaient le vent du midi pour se rendre soit au Léao-tong, soit en Corée, trouvaient à peine où jeter leurs ancres. Ce voisinage de barques païennes nous gênait singulièrement. Il importait que notre présence demeurât ignorée aussi bien que le but de notre voyage. Si la nouvelle s’en fût répandue, nul doute qu’elle ne nous eût attiré quelque mauvaise affaire de la part des pirates qui, malgré la rude chasse que leur a donnée, l’année dernière, un brave capitaine anglais, sont encore nombreux dans ces parages. Ils n’auraient pas manqué cette occasion d’assouvir à la fois et leur cupidité et leur vengeance. La nouvelle eût pu aussi être portée jusqu’en Corée, et les employés du gouvernement n’eussent pas manqué de prendre des mesures qui auraient rendu notre débarquement impossible. De là, pour nous, la nécessité de rester enfermés jour et nuit, pendant deux mois, dans une cale étroite, où l’air et la lumière pouvaient à peine pénétrer, et infectée encore par l’épaisse fumée d’une lampe qu’on y tenait allumée.

« Le 14 mars, jour de la Compassion de la Sainte Vierge, nous pûmes enfin sortir de cette prison ; nous avions levé l’ancre pour ne plus la jeter qu’au rivage coréen. Malgré l’intensité du froid, nous passâmes la journée entière sur le pont ; nous avions tellement besoin de respirer un air pur, que ni la pluie ni la neige