Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/468

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la population païenne elle-même, ordinairement peu accessible à la pitié, se montrait indignée, et blâmait hautement l’auteur de tant de maux.

Le persécuteur se trouva alors dans un grand embarras. Relâcher ses prisonniers, c’était se couvrir de honte, et avouer qu’il avait, comme magistrat, commis et fait commettre des crimes et des injustices dignes de mort ; les faire exécuter de sa propre autorité, c’était violer les lois fondamentales du royaume, et il y allait de sa tête et de celles de tous ses parents. Restait, il est vrai, un moyen souvent employé en pareil cas : se défaire de ses victimes, soit en les étranglant secrètement dans la prison, soit en les faisant expirer dans les tortures. Mais leur nombre était trop considérable, et d’ailleurs tout le monde avait les yeux sur lui. Arrêté dans cette impasse, il changea de tactique, et prit le parti de saisir, à quelque prix que ce fût, un ou plusieurs des missionnaires étrangers, afin de forcer par là les ministres à prendre eux-mêmes en main la poursuite du procès des chrétiens. En conséquence, des bandes de satellites furent expédiées dans les diverses provinces. Elles avaient, officiellement, l’ordre de ne rechercher que les étrangers, avec défense de piller ou torturer inutilement les chrétiens.

Cet ordre et cette défense furent exécutés avec plus ou moins de rigueur, suivant le caractère et la disposition des mandarins locaux. Quelques-uns de ceux-ci, sans s’inquiéter du préfet de police, interdirent dans leurs districts respectifs toute espèce de perquisitions. D’autres les tolérèrent, mais en surveillant les satellites de si près, qu’ils ne pouvaient se permettre aucune déprédation. Le plus grand nombre, malheureusement, profitèrent de l’occasion pour assouvir leur cupidité, et leurs satellites firent cause commune avec les agents du persécuteur. C’est alors que furent pillées et dévastées presque toutes les nouvelles chrétientés du sud-ouest. Les tortures arrachèrent aux malheureux néophytes bien des révélations malencontreuses ; les noms coréens des missionnaires, leur signalement, leur manière de vivre, de voyager, d’administrer les chrétiens, tout fut minutieusement écrit, consigné dans les registres de la police, et communiqué aux ministres. Mais Dieu protégea ses serviteurs, et aucun prêtre ne tomba sous la main des satellites. Ils saisirent quelques chrétiens influents, quelques catéchistes ; mais quand ils les conduisirent à la capitale, ils ne reçurent du préfet de police que des reproches sanglants pour leur maladresse, et des menaces terribles s’ils ne réussissaient à saisir au moins un Européen, de sorte