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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/483

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des anciens ouvriers s’épuisent, la mort encore une fois a fait dans nos rangs comme dans nos affections un vide qui se remplira difficilement. Le P. Thomas T’soi, notre unique prêtre indigène, que sa piété solide, son zèle ardent pour le salut des âmes, et, chose infiniment précieuse, son bon esprit, nous rendaient si cher : le P. T’soi est mort au mois de juin dernier, lorsqu’après une administration abondante en fruits de salut, il venait à la capitale me rendre compte de ses travaux. M. Pourthié, averti le premier du danger où se trouvait ce bon prêtre, arriva assez tôt pour lui donner les derniers sacrements ; mais il avait perdu l’usage de la parole. Doux mots seulement trouvaient encore passage sur ses lèvres mourantes : c’étaient les saints noms de Jésus et de Marie. Le P. T’soi avait été envoyé à Macao avec le vénérable André Kim, en 1837, par M. Maubant de sainte mémoire. Doué de talents peu ordinaires, quelques années d’étude lui suffirent pour parler et écrire très-correctement le latin. Ayant terminé ses études théologiques, il fut ordonné prêtre à Chang-haï en 1849, et réussit cette même année à pénétrer en Corée, où pendant douze ans il n’a cessé d édifier par la pratique la plus exacte de tous les devoirs d’un saint prêtre, et de travailler avec succès au salut des âmes. Sa mort me plonge dans un grand embarras. Le district qu’il administrait renferme un grand nombre de villages où un Européen pourra difficilement pénétrer sans courir les plus grands dangers. Enfin, Dieu qui nous l’a enlevé pourvoira à nos nécessités.

« Vous avez appris. Monsieur le Supérieur, l’heureuse issue de l’expédition de Chine et la partie du traité qui concerne la religion. Dieu soit loué ! Quant à la Corée, elle a été mise entièrement de côté ; de cela encore que Dieu soit béni, puisque telle a été sa volonté sainte ! Nous resterons les derniers sur le champ de bataille ; puissions-nous être destinés par le Seigneur à clore l’arène où ont si glorieusement combattu nos vénérables prédécesseurs.

« Malgré la commotion causée par la dernière persécution et les défections qui en ont été la conséquence parmi les catéchumènes, nous aurons encore à enregistrer cette année au moins sept cent cinquante baptêmes d’adultes. Le chiffre serait allé probablement jusqu’à huit cents, si la maladie et des dérangements de toute espèce ne m’eussent obligé à laisser de côté plus de trente villages qui n’ont pas été administrés. Le nombre actuel de nos chrétiens est, d’après les listes de cette année, de dix-huit mille trente-cinq. »