Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/500

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rendre un peu plus tôt, mais des circonstances qui méritent d’être rapportées m’ont fait retarder cette administration. Dans ce district, deux villages païens s’étaient, peu de temps auparavant, ligués contre les chrétiens, et les avaient dénoncés au mandarin. Celui-ci reçut les dénonciateurs assez froidement, et, persuadé par les paroles d’une esclave de la préfecture, célèbre par son esprit et sa capacité, il refusa d’accepter l’accusation. Quand je pris jour pour me rendre dans ce pays, le bruit s’en répandit dans toute la ville. On y parlait de mon équipage, de mon costume et de mes suivants ; grand nombre de personnes se promettaient de venir voir nos cérémonies, et disaient publiquement : « Cette fois-ci, ce n’est plus un prêtre du pays (le P. Thomas y est allé une fois), « c’est un étranger, et, de plus, c’est un évêque ; il faut absolument que nous le voyions, ne manquons pas l’occasion. » Quoique les intentions de ces curieux ne fussent nullement hostiles, la rumeur devint si grande que le catéchiste effrayé m’envoya un exprès, la nuit avant mon départ, pour me prier de ne pas me présenter. Tout peiné que je fusse, il fallait bien m’en tenir à son dire, et je fis route pour une autre chrétienté, située dans une direction tout opposée.

« Quelques heures après mon départ, arrivaient deux nouveaux courriers pour m’inviter à venir de suite. Quelle était la cause de ce changement subit ? À peine le premier courrier m’eut-il été expédié, que la ville entière apprit que je n’arriverais pas. Aussitôt un païen, assez influent par sa position et la petite dignité dont il est revêtu, se rend chez notre catéchiste et, après les premières civilités, lui dit : « On prétend qu’après avoir tout préparé pour recevoir l’évêque, vous l’avez fait prier de ne pas venir, est-ce vrai ? — Oui. — Mais pourquoi donc ? — C’est que le bruit de sa visite s’est répandu partout, et que beaucoup de curieux veulent venir le voir. Telle et telle famille, telles et telles personnes, se promettent publiquement d’assister à nos cérémonies. Or, devrais-je me priver de voir l’évêque, je ne puis me décider à le mettre dans une position si fâcheuse. — Ah ! » reprend le païen, « vous êtes bien bon de vous inquiéter pour de telles gens ; soyez sûr que personne ne viendra porter le trouble chez vous, et si par hasard quelqu’un le faisait, avertissez-moi et je saurai bien le mettre à la raison. Vous qui êtes chrétien, comment pourriez-vous vous décider à manquer à votre devoir annuel ? Cette occasion passée, il n’y aura plus pour vous moyen de l’accomplir. Croyez-moi ; envoyez de suite un exprès à l’évêque pour le prier de venir sans crainte. »