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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/537

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ce fut pour la dernière fois. Le 25, de grand matin, la maison fut cernée par les satellites ; on prit le catéchiste Marc Tieng et on le conduisit en prison ; Paul Phi était absent. On n’arrêta point le missionnaire ce jour-là ; on se contenta de laisser une douzaine de soldats pour le garder à vue. Le lendemain, 26, à l’aube du jour, on le conduisit au tribunal. Deux soldats, marchant à ses côtés, le tenaient chacun par l’une des manches de son habit ; une corde rouge, dont on ne se sert que pour les grands criminels, lui liait légèrement les bras sur la poitrine. Aux questions du grand juge, il ne répondit que ces paroles : « Je suis venu en ce pays pour sauver des âmes. Je mourrai avec plaisir. » Pour le reste, il s’excusa sur son ignorance de la langue, car bien qu’il commençât à se faire entendre des chrétiens habitués au langage incorrect des nouveaux missionnaires, il ne pouvait évidemment ni comprendre les païens, ni être compris d’eux. En sortant du tribunal, il fut conduit au Kou-riou-kan, et le lendemain transféré au Keum-pou, dans le même corps de bâtiment que Mgr Berneux, mais dans une cellule à part. Selon la coutume, il subit encore quatre autres interrogatoires. Le régent voulait lui poser lui-même quelques questions ; il y renonça quand il vit la difficulté qu’il avait à s’exprimer. Comme Mgr Berneux, M. de Bretenières eut à subir plusieurs fois différents supplices, principalement la bastonnade sur les jambes et la poncture des bâtons ; on assure qu’après l’évêque c’est lui qui a été le plus maltraité. Au milieu des tourments, il semblait impassible ; les yeux modestement baissés, il priait, sans laisser échapper aucune plainte. Après quatre jours passés au Keum-pou, il fut renvoyé au Kou-riou-kan, où il retrouva Mgr Berneux, et put s’entretenir librement avec lui.

M. Beaulieu qui, lui aussi, avait fait d’assez grands progrès dans la langue coréenne, demeurait dans une petite chrétienté à quelques lieues de la capitale. Il avait déjà pu donner les sacrements à un certain nombre de personnes, et quelques jours avant la persécution, Mgr Berneux, l’ayant jugé capable de commencer l’exercice du saint ministère, lui avait assigné un petit district où il devait faire ses premières armes. Ses préparatifs de départ étaient terminés ; quelques-uns de ses nouveaux chrétiens venaient d’arriver pour le conduire à son poste, lorsqu’il apprit l’arrestation du vicaire apostolique. Il résolut d’attendre un peu, et renvoya les chrétiens chez eux. Mais une partie des habitants du village où il demeurait, gens tièdes et timides, effrayés de ce qui venait d’arriver à la capitale, le prièrent de se réfugier ailleurs,