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chrétiens. Le mandarin, qui venait de recevoir de la cour les ordres les plus pressants, sévit contre eux avec la dernière rigueur. Alexis avait déjà le corps tout déchiré et les os de la jambe mis à nu, lorsqu’à un second interrogatoire, il eut la faiblesse de prononcer une parole d’apostasie. On le relâcha immédiatement. À peine sorti du tribunal, il se mit à pleurer, et apprenant par les gens du mandarin l’arrestation de Mgr Berneux et de M. de Bretenières, il s’écria : « Je suis perdu ; à qui maintenant confesser mon crime ? où trouver le pardon ? » Puis, sans le moindre retard, dans l’énergie d’une contrition sincère, il fit panser ses plaies, se procura un cheval et partit pour la capitale. « Laissez-moi, disait-il à ceux qui voulaient l’arrêter, laissez-moi, peut-être est-il déjà trop tard. Je veux confesser ma faute, et, à la capitale où je suis connu des chrétiens, je veux que tous soient témoins de ma honte et de mon repentir. » À peine arrivé à Séoul, il courut chez le catéchiste Marc Tieng, et trouvant la maison pleine de satellites, il se déclara hautement chrétien. On l’arrêta immédiatement, et on le conduisit à la prison du Kou-riou-kan, où il eut le bonheur de rencontrer Mgr Berneux. Fortifié par l’absolution de son péché, et par les exhortations que lui fit ce vénérable prélat qui l’avait enfanté à Jésus-Christ, il supporta les tourments avec une constance inébranlable. Le juge qui savait son histoire, essaya à plusieurs reprises de le gagner. « Jeune comme tu es, tu dois tenir à la vie. — J’y tiens, répondit naïvement Alexis. — Vis donc. — Je ne demande pas mieux. — Oui, mais pour cela tu as une parole à dire, celle que tu as dite déjà. — Oh ! non. Je ne veux pas vivre à ce prix. » Et les supplices recommençaient plus violents qu’auparavant. Alexis Ou fut conduit à la mort avec Marc Tieng, à la suite de MM. Pourthié et Petitnicolas, et exécuté avec eux.

Six mois plus tard, au commencement de septembre, la persécution étant un peu assoupie, les chrétiens de la capitale songèrent à donner une sépulture plus convenable aux martyrs de Sai-nam-to. Ordinairement pauvres, ils l’étaient encore bien plus après les désastres de cette terrible année, et ils eurent beaucoup de peine à recueillir entre eux l’argent nécessaire pour acheter des cercueils. Plusieurs femmes donnèrent l’anneau qu’elles portaient au doigt, leur unique ornement. À l’heure marquée, quarante chrétiens arrivèrent la nuit par différents chemins à l’endroit où les martyrs avaient été enterrés. Ils exhumèrent les sept corps, c’est-à-dire, ceux de Mgr Berneux, des cinq missionnaires, et d’Alexis Ou. Celui de Marc Tieng avait été, nous l’avons vu