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ses membres enflés, et en exprimer le sang corrompu ; il ne le souffrit pas. « Ce n’est pas la peine, » répondit-il. « Du reste, Jésus et Marie sont venus toucher mes blessures. » Et l’on assure, en effet, que, dès le lendemain, ses plaies étaient cicatrisées.

« On était alors en carême, et Thomas observait avec une scrupuleuse exactitude les jeûnes et les abstinences de l’Église, jeûnes et abstinences dont la rigueur était doublée et par ses autres souffrances, et par l’insuffisante nourriture donnée aux prisonniers. De même, rien ne put lui faire omettre aucune de ses pratiques ordinaires de piété. Son oncle, apostat et délateur, lui écrivit pour l’engager à apostasier ; il rejeta la lettre avec indignation, ce qui lui valut un surcroît de mauvais traitements. Touché du regret d’avoir poussé les choses si loin, le mandarin voulait sauver Thomas Song ; mais, ne pouvant obtenir ni un acte, ni même un mot qui lui permît de le renvoyer comme apostat, il s’avisa d’un expédient singulier : ce fut de lui dire que, s’il n’arrachait avec ses dents un morceau de sa propre chair, il le regarderait comme ayant obéi, et le renverrait. « Quand je proteste que je n’apostasierai jamais, » répondit Thomas, « pourquoi voulez-vous me faire passer pour apostat ? Mon corps appartient à Dieu, et il ne m’est pas permis de lui faire du mal ; mais le mandarin a sur moi l’autorité paternelle, et puisqu’il exige cette preuve de mon attachement à la foi, la voici. » Et d’un coup de dent, il s’arracha un morceau de chair à chaque bras. Ces blessures durent être bien douloureuses : car, après sa mort, on les trouva affreusement envenimées. Il arriva à Kong-tsiou le vendredi ou le samedi saint, et fut aussitôt présenté au gouverneur, qui le fit mettre trois fois de suite à la question. On le remporta sans connaissance, et, le même jour, il fut étranglé dans la prison, ainsi que deux femmes chrétiennes, sur lesquelles je n’ai encore que des détails insuffisants. Leurs corps ont été précieusement recueillis. »

Une lettre de M. Calais donne quelques renseignements sur les deux femmes dont il est ici question. L’une était Suzanne Kim, originaire d’une ancienne famille chrétienne de Tchouk-san dans le Kieng-kei, et femme de Jean Sim. L’autre, dont on ne sait pas le nom, était la veuve d’un nommé Kim. Quand éclata la persécution, Suzanne, se croyant trop exposée dans le village où elle demeurait avec son mari, se retira avec ses trois enfants, dont le plus jeune n’avait que deux mois, auprès de son frère et de sa vieille mère, dans le village de Hai-sa-tong. C’est là qu’elle fut saisie par les satellites avec sa mère, et la veuve de Kim.