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jour-là. Je parvins à gagner un village chrétien ; je n’osai m’y arrêter, et, accompagné d’un ou deux hommes de bonne volonté, je me réfugiai dans un fourré presque impénétrable des montagnes voisines, un vrai repaire de tigres, où je dormis huit jours à la belle étoile, sur la terre nue. Plus tard, je pus arriver à Somba-kol, à travers un pays tout païen, couchant, côte à côte avec six ou huit païens, dans les auberges de la route. Dieu me garda de tout accident. À Somba-kol, je fis l’administration annuelle et distribuai les sacrements ; j’eus même la consolation de baptiser quelques païens adultes, qui ne craignaient pas, en face de la mort, de se déclarer chrétiens. J’ai su depuis que Thomas Iou, sur lequel on avait pris mon Nouveau Testament latin, fut conduit devant le mandarin, lequel, à la vue de ce livre, entra dans une fureur épouvantable contre les satellites qui m’avaient laissé échapper. Thomas subit deux ou trois fois les questions et la bastonnade, mais à la fin, voyant qu’on ne pouvait lui arracher aucune dénonciation contre moi, on le mit en liberté. »

Au mois de mai, la persécution se calma un peu. On recherchait toujours les missionnaires, mais on n’arrêtait plus les chrétiens. Le gouvernement craignait, en maintenant dans le pays une aussi grande agitation, d’empêcher la plantation du riz. D’ailleurs, la sécheresse était extrême ; l’orge, qui est la principale nourriture pendant l’été, menaçait de sécher sur pied ; et les païens eux-mêmes criaient de tous côtés que la cruauté déployée contre les chrétiens avait irrité le ciel, et fait manquer la pluie. Les ennemis de la religion remirent donc à l’automne la réalisation de leurs plans.

MM. Féron et Ridel s’étaient réfugiés ensemble dans un petit hameau de quatre maisons, chez une pauvre veuve chargée de six enfants encore en bas âge. La retraite était sûre, et cette femme, malgré son dénuement, malgré le danger qu’elle courait en leur donnant asile, les avait reçus et les gardait avec une cordialité si dévouée qu’ils y restèrent près de deux mois. La famine régnait dans la contrée ; les pauvres chrétiens du hameau coupaient l’orge encore toute verte, et en faisaient leur nourriture. Les deux missionnaires essayèrent de ce régime, mais dès la première fois, ils éprouvèrent une indisposition si violente qu’il fallut y renoncer. Les chrétiens mirent en commun leurs dernières ressources, vendirent tout ce qu’ils avaient, et parvinrent à leur procurer deux boisseaux de riz.

Vers le 15 juin, MM. Féron et Ridel eurent des nouvelles de