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Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/577

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« Enfin le vent cesse, les nuages se dissipent ; il ne reste plus que le roulis, et bientôt l’orient en feu nous fait présager une belle journée. Où étions-nous, où avions-nous été jetés par la tempête ? Telle était la question que nous nous posions, lorsqu’un matelot fait remarquer un point noir ; peu à peu il grossit ; c’est une terre dans la direction que nous avions prise ; plus de doute, c’est la Chine. Puis on signale un navire ; bientôt, à ses voiles, on reconnaît un navire européen ; il vient vers nous. J’ordonne de passer tout à côté, et je fais hisser un petit drapeau tricolore que j’avais eu soin de préparer avant de quitter la Corée. C’était un beau trois-mâts ; j’ai appris depuis qu’il était de Saint-Malo, et venait de Tche-fou. En passant, je lui fais un grand salut. Le capitaine qui nous regardait avec attention, très-étonné de voir flotter le drapeau français sur une si singulière embarcation qui n’était même pas chinoise, me répond de la manière la plus gracieuse, puis sur son ordre on met le drapeau. J’attendais avec anxiété ; c’était le drapeau de la France ; trois fois il s’élève et s’abaisse pour nous saluer. Impossible de vous décrire ce qui se passa dans mon cœur. Pauvre missionnaire, depuis six ans je n’avais pas vu de compatriotes ! et en ce moment, perdu au milieu des mers, sans connaître la route, j’aurais voulu rejoindre ce bâtiment, mais ses voiles enflées par un vent favorable l’avaient déjà emporté à une grande distance. C’était du reste pour nous une grande consolation. Tous mes matelots, qui n’avaient jamais vu de navire européen, étaient dans l’admiration. « Père, est-ce que ce sont des chrétiens ? Si ce navire venait chez nous tout le monde s’enfuirait ; il prendrait notre pays, et forcerait le roi à donner la liberté de la religion ; » etc. Bientôt je reconnus la côte ; c’était le port de Wei-haï d’où j’étais parti six ans auparavant. Nous étions sur les côtes du Chan-tong, dans la direction de Tche-fou où je voulais aller. Nous arrivions par conséquent en droite ligne, aussi bien que l’eût pu faire le meilleur navire avec tous ses instruments nautiques. Que la sainte Vierge est un bon pilote ! Il ne nous restait que quelques lieues, mais le vent contraire ne nous permit pas d’aborder ce jour-là. Le 7 juillet au matin, nous vîmes le port, et à midi, nous jetions l’ancre au milieu des navires européens. Aussitôt nous fûmes environnés de Chinois curieux de voir les Coréens qu’ils reconnurent aussitôt ; je descendis et fus immédiatement entouré d’une foule de Chinois qui me faisaient cortège et regardaient avec curiosité mon étrange costume. Les nouvelles que j’apportais firent grande sensation parmi les membres de la colonie européenne. Je me rendis