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tions du gouvernement coréen. Le 10 juin, les marins descendirent dans l’île de Kang-hoa et s’emparèrent de trois forts, malgré la résistance des Coréens qui, dit-on, se battirent en désespérés. Les documents officiels trouvés dans un de ces forts, prouvèrent que l’attaque du 1er juin avait été ordonnée et préparée par le gouvernement. On entra en pourparlers. Tout d’abord les Américains offrirent de rendre les blessés et autres prisonniers, sur leur parole de ne plus porter les armes pendant la guerre. Le ministre se contenta de répondre : « Faites de ces hommes ce que vous voudrez ; lorsque vous les relâcherez, nous les punirons sévèrement. » L’amiral Rodgers comprit bientôt que, pour imposer un traité à ces barbares obstinés, le seul moyen était de s’emparer de la capitale. N’osant prendre sur lui une pareille détermination, et n’ayant pas d’ailleurs les forces suffisantes, il dut se retirer, et en référer au gouvernement de Washington. Depuis lors, il n’y a pas eu de nouvelle tentative.

Quelques semaines plus tard, un missionnaire écrivait : « L’expédition américaine a décidément quitté la Corée, et nul doute qu’elle n’ait, comme celle des Français en 1866, laissé aux Coréens l’idée qu’ils ont battu et repoussé les barbares d’Occident. Malgré toutes les explications des journaux de Chang-haï et de Hong-kong, les Chinois eux-mêmes regardent la retraite des Américains comme une défaite. On croit que ceux-ci reviendront en Corée ; mais, en attendant, la pauvre mission reste sous le pressoir, et cette affaire aggravera encore la persécution. »

Les tristes prévisions des missionnaires, après le retour de l’expédition française, ne se sont que trop réalisées. À plusieurs reprises, des Coréens ont réussi à passer la frontière, et ont apporté des nouvelles de l’intérieur. Neuf chrétiens, qui étaient venus aux navires américains dans l’espoir de rencontrer leurs prêtres, ont été envoyés à Chang-haï par l’amiral Rodgers, et ont donné de nouveaux détails. En voici le résumé :

La situation est lamentable. Les chrétiens sont proscrits en masse, comme rebelles, traîtres à leur pays, et partisans des étrangers ; tous leurs biens sont confisqués. Ils n’ont plus, comme par le passé, la ressource d’émigrer dans d’autres provinces pour y cacher leur foi ; une nouvelle loi défend de s’établir dans un district quelconque sans s’être d’abord présenté au mandarin. Toutes les chrétientés sont en ruines, toutes les familles dispersées. De nombreux orphelins tombent aux mains des païens, et seront élevés dans la haine du christianisme ; d’autres, moins malheureux, sont abandonnés sur les routes, comme des rejetons