Page:Dallet - Histoire de l'Église de Corée, volume 2.djvu/87

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petit bruit, dans une caverne. En attendant le cours des événements, on plaça des sentinelles à certaines distances, pour être prévenus à temps de l’arrivée de l’ennemi : alors nous aurions gravi la montagne. Les deux chefs du bourg nous donnèrent de grandes marques de dévouement. J’admirai leur charité ; ils oubliaient leur propre danger pour ne s’occuper que du nôtre ; cependant ils étaient bien plus exposés que nous.

« Le 18 et le 19, nouveaux messages. Ce ne sont point les Européens qui sont l’objet des poursuites du vice-roi ; on ignore même s’il y en a un seul dans toute la province : c’est un mandarin militaire qui est la cause de ce malheureux événement. Cet officier, promu à un grade supérieur, est allé remercier le vice-roi ; celui-ci lui a demandé s’il y avait des rebelles Pe-lien-kiao dans son district : « Non, Excellence, dit-il, il n’y a point de Pe-lien-kiao, mais il y a beaucoup de chrétiens. » Ce méchant homme, ennemi secret des chrétiens, s’est plu par des rapports calomnieux à les rendre suspects et odieux au mandarin ; il a obtenu un ordre adressé au gouvernement de Sueng-ho-fou, pour informer contre eux et contre le missionnaire du lieu désigné. Le prêtre, averti à temps, s’était sauvé à la faveur de la nuit. Pour comble de malheur, l’officier militaire, accusateur et ennemi personnel des chrétiens, a été chargé de faire les recherches : il a arrêté tout ce qu’il en a pu trouver, hommes et femmes, et les a fait traîner à Sueng-ho-fou. Il a même dépassé les limites de sa juridiction, il s’est permis de faire des arrestations dans un district étranger. S’il eût été question d’une affaire purement criminelle, il eût été sévèrement puni ; mais en Chine, comme ailleurs, lorsqu’il s’agit d’une incrimination contre la religion chrétienne, tout est permis ; on peut impunément se moquer du droit et de la justice, et faire violence aux lois. Cependant le mandarin civil, à qui il appartient de porter la sentence, indigné de la conduite irrégulière de l’officier militaire, a fait délivrer toutes les femmes et un bon nombre d’hommes ; il n’a retenu prisonniers que dix à douze chefs de familles.

« Cette injuste inquisition a réveillé la cupidité de quelques autres mandarins civils et militaires. Il y a eu plusieurs chrétiens persécutés en certains districts ; quelques-uns se sont rachetés à prix d’argent ; d’autres ont été cruellement tourmentés, et condamnés à de fortes amendes. Nous apprîmes, il y a peu de jours, qu’un saint vieillard connu de tous les missionnaires a été frappé d’une manière inhumaine. Ce vénérable confesseur, craignant de succomber aux tourments, a offert environ quatre mille francs au