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des malheureux. Lorsqu’arrivait la cueillette des fruits, il faisait choisir et mettre en réserve pour les pauvres tout ce qu’il y avait de meilleur. Quoique sans cesse occupé de bonnes œuvres, il ne négligeait ni ses frères, ni sa mère qu’il entoura toujours de la plus tendre piété filiale, ni ses serviteurs, ni sa maison, où les prières et les lectures pieuses se faisaient en commun et à des heures réglées.

« Créé catéchiste dans la tourmente de 1839, il trouva une ample matière à son zèle. La ville de Séoul était alors décimée par la persécution et par la faim. François recueillit d’abondantes aumônes, exhorta, supplia les chrétiens de son village, et vola avec eux ensevelir les corps des martyrs, et secourir ses frères malheureux. À son retour dans sa famille, il crut que le moment était venu de la préparer au martyre. Il était tout entier à ce saint devoir, lorsqu’un jour les satellites se présentèrent à sa porte, bien avant le lever du soleil. François s’avance à leur rencontre, et leur dit tranquillement : « D’où venez-vous ? — De Séoul, » répondent les satellites. — « Pourquoi avez-vous tant tardé ? Depuis longtemps nous vous attendions avec impatience : nous sommes tout prêts, mais l’aube ne paraît pas encore ; reposez vos membres fatigués, fortifiez-vous par un peu de nourriture, et bientôt nous partirons tous en bon ordre. » Cet accueil remplit d’admiration les satellites, qui s’écrient avec une espèce d’enthousiasme : « Celui-ci et tous les siens sont vraiment chrétiens ! Comment pourrions-nous craindre de leur part une tentative de fuite ? nous pouvons bien dormir en paix. » Là-dessus, ils s’endorment profondément. Pendant ce temps, François anime les chrétiens au martyre, et Marie, son épouse, prépare la table pour les satellites. Le repas achevé, François offre à chacun d’eux des vêtements. Tous les membres de la famille se réunissent, au nombre de quarante, et le départ commence. En tête marchent les hommes avec leurs fils aînés ; viennent ensuite les mères avec les enfants à la mamelle ; les satellites ferment la marche. On était alors au mois de juillet ; la chaleur était accablante : la troupe s’avançait lentement, et de ses rangs s’élevaient les cris des petits enfants fatigués. Sur la route, c’étaient des malédictions et des imprécations, quelquefois des gémissements de pitié, qui accueillaient cette légion de martyrs. Mais la voix de François, qui ouvrait la marche, couvrait ces clameurs, et communiquait à tous l’intrépidité dont il était animé. « Courage, mes frères, » s’écriait-il ; « voyez l’ange du Seigneur, une verge d’or à la main, mesurant et comptant tous vos pas. Voyez N. S. Jésus-Christ qui vous précède avec sa croix au Calvaire ! »